Paroles de lavandières
Nous sommes en septembre 1834, sur le bord du lavoir de Sainte Croix Grand'tonne
Jeanne : Dis donc, Marguerite, as-tu entendu parler de ce qui est arrivé à la foire de Creully l’autre jour ?
Marguerite : Oh que oui, Jeanne ! Tu parles de Marie Levillain, la femme Bonvoisin ?
Jeanne : Exactement ! Figure-toi qu’elle était chez le sieur Hergaux, en train de faire mine d’examiner ses étoffes...
Marguerite : Hum... Je vois bien le genre, l’air de rien, la main qui traîne...
Jeanne : C’est ça ! D’une main, elle touchait un morceau de tissu, et de l’autre, hop ! Une belle pièce de cotonnade sous le tablier. Ni vue ni connue, elle s’en allait tranquillement !
Marguerite : Mais alors, comment s’est-elle fait prendre ?
Jeanne : Ah ! Les Hergaux, père et fils, avaient l’œil. Ils l’ont arrêtée avant qu’elle ne s’éclipse.
Marguerite : Ah la malheureuse ! Et elle a avoué ?
Jeanne : Pas du tout ! Elle a laissé tomber la pièce, levant les bras au ciel, jurant qu’elle était innocente comme un nouveau-né !
Marguerite : Ah ! Ces histoires, toujours les mêmes... Et la justice, qu’en a-t-elle dit ?
Jeanne : Eh bien, le tribunal n’a pas été dupe, ma chère. Trois mois de prison et les dépens !
Marguerite : Eh bien, elle s’en souviendra ! À trop vouloir jouer les fines, on finit par se brûler les ailes !
Jeanne : Comme tu dis, Marguerite. Allez, frottons, y’a encore du linge à laver !