L'enfant "pompier" qui lutta contre l'incendie de Creully en 1840.

 La presse dont le journal "le temps" dans son édition de Paris relatait qu'un enfant avait participé à lutter contre l'incendie qui embrasait Creully en novembre 1840.

Voici son histoire.

Le 17 novembre 1840, le village de Creully fut enveloppé par une nuit d’horreur. Les flammes, déchaînées par un vent féroce, ravageaient tout sur leur passage, réduisant en cendres près de 80 % des maisons. Le ciel, zébré par l’éclat rougeoyant de l’incendie, illuminait les visages terrifiés des habitants qui fuyaient, des larmes de désespoir dans les yeux.

Au loin, le grondement des sabots résonnait : pour venir en aide aux sapeurs-pompiers de Creully, ceux de  Caen accouraient, déterminés à arracher ce petit bourg à l’étreinte mortelle du brasier. Parmi eux, une silhouette inhabituelle se glissait entre les hommes. C’était un enfant, pas plus haut que trois pommes, mais dont les yeux vifs trahissaient une intelligence remarquable. Son nom : Denier.

Le jeune garçon, témoin de ce drame, ne resta pas à l’écart. Usant de son esprit vif et de son courage rare, il se rendit utile parmi les pompiers. Qui pour transmettre un seau, qui pour rassurer une vieille femme en pleurs. Sous les regards admiratifs des hommes en uniforme, le petit Denier devint une source d’inspiration, un symbole d’espoir au milieu des cendres.

Quand enfin les flammes furent vaincues et que la paix revint sur Creully, la compagnie de Caen convia le garçon à partager les modestes rafraîchissements qui suivaient habituellement leurs exploits. Ils avaient trouvé en lui bien plus qu’un simple enfant curieux : une âme vaillante, forgée par la vie avant l’heure. Dès ce jour, il devint l’“enfant du régiment”.

Mais la vie, souvent cruelle, avait réservé d’autres épreuves à Denier. Son père, lui-même pompier, perdit tragiquement la vie lors de l’extinction d’un autre incendie, à Beaulieu, à Caen. Orphelin, le petit garçon aurait pu sombrer dans la solitude. Mais les liens qui l’attachaient à cette grande famille de pompiers se firent plus solides encore.

Un dimanche, lors d’une revue, le capitaine Jobert rassembla ses hommes autour de Denier. D’un ton grave mais chargé de tendresse, il rappela l’histoire émouvante de cet enfant courageux, protégé par leur communauté. Puis, dans un élan d’humanité, il lança une question :
— Messieurs, qui parmi vous serait prêt à prendre ce garçon sous son aide et à lui apprendre un métier pour assurer son avenir ?

À peine eut-il fini qu’une clameur s’éleva. Vingt voix généreuses proposèrent leur aide. Mais un homme, plus rapide que les autres, sortit des rangs. C’était M. Becquémié, serrurier de la rue Saint-Martin. Il s’avança avec fermeté, prit la main du garçon et déclara :
— Moi, capitaine. Je m’engage à faire de ce brave garçon un honnête homme et un bon ouvrier.

Les larmes jaillirent des yeux de Denier alors qu’il se jeta au cou de son bienfaiteur, murmurant des mots de gratitude. L’émotion de la scène était contagieuse ; hommes et spectateurs, tous furent bouleversés par cet instant de pure humanité.

Les journaux du Calvados firent grand cas de cette belle histoire, rappelant à tous la force de la solidarité et le pouvoir du courage, même dans les heures les plus sombres. Quant à Denier, il trouva dans le feu et l’acier une famille, un métier, et la promesse d’un avenir digne de celui qu’il était destiné à devenir.