Les frères Tillard, Pierre et Jean-Baptiste, condamnés par la cour d'assises le 30 mai 1824, subirent
leur jugement le 16 juillet de la même année. Depuis longtemps, une exécution
n’avait attiré autant de spectateurs. On aurait eu du mal à se figurer le
nombre de personnes venues de la ville de Caen et des campagnes environnantes
pour y assister.
Ces deux frères, dont l’aîné avait vingt-deux ans, étaient originaires
d’Amblie, une paroisse voisine de Creully. Ils avaient assassiné une marchande
de leur village le 9 janvier 1824, qui, en plus de son activité commerciale, vendait à boire.
Après l’avoir tuée, ils avaient jeté son corps à l’eau et volé tout ce qu’ils
pouvaient emporter.
Le cadavre de la victime, entraîné par le courant, fut arrêté par un moulin,
dont il bloquait le mécanisme. Le meunier le découvrit et put identifier le
corps. OnMoulin à Amblie
entreprit alors des recherches dans le village et ses environs, mais
celles-ci restèrent infructueuses dans un premier temps. C’est finalement un
berger qui fit une découverte cruciale : dans une carrière, il remarqua qu’une
ouverture, visible auparavant, avait été obstruée à l’aide de branches et de
mottes de terre. Curieux, il décida de rouvrir l’endroit, où il trouva des
effets enveloppés dans une blouse.
Le maire, Victor de Cairon, fut appelé pour examiner le contenu du paquet. Il identifia les
marchandises appartenant à la victime et reconnut la blouse comme étant celle
de l’un des frères Tillard. Dans la maison de la victime, on découvrit
également, sur la table où les frères avaient bu, un bouton métallique
identique à ceux du vêtement de l’un des deux frères, lequel était justement
privé d’un bouton à son habit. Ces éléments accablants conduisirent à leur
arrestation.
Les investigations révélèrent que les frères avaient attendu que la femme
soit seule chez elle, car elle vivait habituellement avec une jeune fille. Des
témoins affirmèrent les avoir croisés près de la maison le jour du crime.Eglise d'Amblie
La mère des Tillard fut également arrêtée, mais elle fut finalement
relâchée, aucune preuve directe ne permettant de l’incriminer. Cependant, il
lui fut reproché la manière dont elle avait élevé ses enfants. Il apparut au
cours des débats qu’elle les encourageait activement à voler. À chaque retour,
elle leur demandait ce qu’ils avaient rapporté, les grondant lorsqu’ils
rentraient les mains vides. Le père, en revanche, était reconnu comme un homme
irréprochable.
Le comportement délinquant des frères avait rapidement suscité des soupçons
à leur égard, soupçons qui furent confirmés par l’enquête. Jugés coupables, les
frères Tillard furent condamnés à la peine capitale. Ils affrontèrent leur
supplice avec une indifférence manifeste, sans prêter attention aux
remontrances des ecclésiastiques qui les accompagnaient.
Le plus jeune, âgé de 19 ans, monta à l'échafaud en dansant.
Lorsque le dernier frère se retrouva sur la bascule, prêt à être exécuté, il
déclara avoir des aveux à faire. Le bourreau lui répondit qu’il était trop tard
et le poussa sous la lame. L’homme bougea tant pendant l’opération que le
couperet lui fendit le crâne de manière imparfaite.
Le peuple ne manifesta aucune compassion pour ces deux criminels, qui
quittèrent ce monde sans donner le moindre signe de repentir.