Paroles de lavandières
Nous sommes le 5 fructidor de l'an 6 de la République (22 août 1798) sur les bords du lavoir de Tiercevillle sur les bords de la Seulles.
Marie : Eh bien, dites donc, Louise, vous avez
entendu parler de l’orage qu’il y a eu avant-hier, dans la région de Crépon ? Quel
désastre !
Louise : Oh, ne m’en parlez pas, Marie ! Ça a
causé des ravages épouvantables dans tout la région de Crépon. Savez-vous que
les communes de Ryes, Fresnay et Arromanches ont été entièrement dévastées ?
Marie : Oui, oui, et c’est cette grêle grosse
comme des œufs de poule qui a tout détruit. Tous les grains, même le chanvre
qu’on n’avait pas encore récolté, ont été perdus !
Louise : Et les pommiers, alors ! Plus une pomme
à espérer avant plusieurs années, tous frappés de stérilité. On dirait que le
ciel s’est acharné contre nous.
Marie : Il paraît même qu’à Ryes, la foudre a
blessé quelques pauvres âmes. Vous imaginez la frayeur?
Louise : Ça, c’est terrible. Et les bestiaux, les pauvres bêtes… Ceux qui n’étaient pas à l’abri ont été malmenés. Certains en sont morts.
Marie : Vous savez, même les oiseaux n’y ont
pas échappé. Le lendemain, il paraît qu’on en a ramassé un grand nombre, et ils
étaient tous en lambeaux… Quelle horreur.
Louise : Ah, ma pauvre Marie, les habitants sont
dans un état de consternation… Comment vont-ils s’en sortir ? C’est un coup dur
pour tout le monde.
Marie : Un coup dur, c’est le moins qu’on
puisse dire. Il va falloir beaucoup de courage pour se relever de ça.
Louise : On ferait bien de prier pour des jours
meilleurs, ma bonne Marie. Avec des malheurs pareils, il ne reste plus qu’à
espérer que la République enverra son soutien.
(Le fait relaté a bien eu lieu.)