J'ai découvert cet article dans le journal "Le Soleil" du Québec. Une raison de faire une recherche sur ce religieux.
En 1876, à Reviers, naquit et fut baptisé Arsène Turquetil qui deviendra Monseigneur Turquetil.
Reviers non loin de Creully. |
À sa naissance, sa famille comptait déjà deux garçons. En 1886, il perd une petite sœur, sa filleule. Quelques jours plus tard, sa mère, dentellière, décède à l'âge de 37 ans.
L'acte de naissance d'Arsène |
Recensement de Reviers de 1876 où Arsène Louis Eugène figure. |
Soeur Bruno |
Les deux aînés sont donc confiés à des familles chez qui ils entrent à leur service. Quant à Arsène, trop jeune pour travailler, il est recueilli dans un hospice de vieillards dirigé par des religieuses où soeur Bruno devint sa nouvelle mère.
D'autres enfants seraient marqués à vie
par de tels événements, sombrant dans la mélancolie, développant de la jalousie
envers des camarades plus chanceux ou nourrissant une certaine révolte. Mais ce
n'est pas le cas pour Arsène. Il appartient à une autre trempe.
Déjà, on discerne en lui la foi, l'intelligence et la volonté du futur apôtre.
Sa foi : à 8 ans, il affirme à tous
qu'il ira convertir les infidèles. Une difficulté se présente cependant pour
ses études : il est issu d'une famille pauvre. Mais il a confiance et se met à
prier Notre-Dame de la Délivrande. Peu à peu, les obstacles s'aplanissent. À 9
ans, il entre au Petit Séminaire de Villiers-le-Sec.
Du point de vue intellectuel, c'est un
élève fort bien doué, bénéficiant notamment d'une mémoire remarquable. Plus
tard, son auxiliaire, Mgr Clabaud, déclarera : « Mémoire prodigieuse. » Cette
qualité lui sera très utile, entre autres, pour apprendre la langue des
Esquimaux, rédiger une grammaire et établir un lexique.
En attendant, il étudie les grammaires françaises, latine et probablement
grecque. Il travaille vite et bien, ce qui lui laisse du temps libre. Comment
l'occupe-t-il ? Espiègle, il aime jouer des tours à ses camarades et à ses
maîtres. Il serait même allé jusqu’à prévenir le préfet de discipline que, tel
jour à telle heure, il sortirait du dortoir. Une légende, peut-être. Mais comme
on dit : « On ne prête qu'aux riches. »
Cela dit, Arsène ne cède jamais à un
mauvais esprit. Quand il le faut, il sait être sérieux et attentif.
Sa volonté est à la hauteur de son intelligence : généreuse et tenace.
Vers la fin de sa première année au
séminaire, un missionnaire, évêque à Ceylan, rend visite aux élèves. Il leur
demande : « Voyons, qui viendra chez nous ? »
— « Moi ! » s'écrie Arsène Turquetil sans hésiter.
— « À la bonne heure, en voilà un ! » répond l'évêque.
Un peu plus tard, tandis que l’évêque
monte en voiture, le jeune Arsène lui demande : « Monseigneur, dois-je mettre
mon uniforme ? » Mais la voiture part sans lui. Cela pourrait sembler être un
enthousiasme enfantin sans conséquence, mais en réalité, sa volonté est déjà
solide.
En troisième, son directeur lui dit :
— « Vous voulez être missionnaire ?
— Oui, mon Père.
— C'est de l'imagination. Comment pourriez-vous devenir missionnaire, capable
de tout supporter, le martyre au besoin, alors que vous n'êtes même pas capable
de rester cinq minutes tranquilles ?
— Je vais essayer, mon Père. »
L'abbé Turquetil |
— « Es-tu malade ? Prépares-tu quelque mauvais coup ? Ou as-tu changé d’idée ? »
Le futur missionnaire répond simplement : « Non, je veux être sage. »
Le Supérieur reste sceptique dans un premier temps, mais finit par se rendre à l'évidence.
Il entra au grand séminaire de Sommervieu, diriigé par les Messieurs de Saint-Sulpice. Il prit la soutane le 21 novembre 1893, un pas de plus vers le but suprême.
Mgr Clabaud, l'un des auxiliaires du
Père Turquetil, le décrit comme un véritable « homme de fer ». Une remarque qui
prend tout son poids lorsqu’elle vient d’un officier de la police canadienne
qui avait vu Mgr Turquetil en action lors d’un éprouvant voyage en traîneau.
Dans ses débuts avec les Esquimaux,
réputés redoutés des Indiens, le contact est difficile. Pourtant, il persévère.
Pendant plusieurs années, il explore le territoire et assure les
approvisionnements. Il apprend à connaître ces terres hostiles et leurs habitants
nomades.
Pour fonder sa première mission, il
choisit Chesterfield Inlet, une région pourvue de gibier mais dénuée d’arbres.
Tout le bois nécessaire à la construction
d’une maison doit être emporté par
bateau, ainsi que le charbon, les vivres et bien d'autres fournitures.
Pourtant, même le capitaine du bateau n’est pas sûr d’arriver jusqu’à
Chesterfield et avertit qu’il devra peut-être débarquer Mgr Turquetil ailleurs.
Mission de Chesterfield |
Le père Leblanc et le père Turquetil |
Après avoir traversé le fleuve Saint-Laurent et le détroit d’Hudson à bord du « Nascopie », ils arrivent à Chesterfield le 3 septembre.
L’accueil est austère : un paysage
rocheux sans végétation, quelques tentes, une vingtaine d’habitants.
Conformément à une promesse faite à l'évêque de Bayeux 17 ans plus tôt, Mgr
Turquetil donne le nom de Notre-Dame-de-la-Délivrande à cette mission.
Dès septembre, l’urgence est de
construire un abri avant l’arrivée du grand froid. Aidés par les matériaux
apportés, les missionnaires bâtissent une maison que les Esquimaux appellent le
« grand iglou ». Bien qu’admiratifs de cette construction, ces derniers restent
méfiants, influencés par un sorcier local, Taleriktak, dont les cris et
ricanements marquent les longues nuits de chants païens.
L'année suivante, en juillet, les glaces
ne se rompent pas comme espéré : pas de bateau, pas de ravitaillement. La
pénurie impose une grande économie de charbon et de vivres. Malgré cela, le
Père partage son maigre pain avec les Esquimaux affamés.
Peu à peu, les Esquimaux se mettent à
admirer le courage et la générosité du Père, surtout lorsqu’il réussit à
chasser un caribou dans des conditions extrêmes. Toutefois, son « apostolat »
reste infructueux. Ses traductions de prières et ses sermons en langue locale
suscitent davantage de moqueries que d'adhésion.
En 1915, le bateau « Nascopie » apporte
des nouvelles alarmantes : deux missionnaires ont été tués par des Esquimaux,
et la Première Guerre mondiale fait rage en Europe. Peu après, le Père Leblanc,
épuisé et affecté par la mort de deux de ses frères au front, succombe à la
maladie en septembre 1916.
Le Supérieur enjoint alors au Père
Turquetil de fermer la mission s’il n'obtient aucun signe de conversion dans
l’année.
Mais en automne, un miracle se produit. Un Esquimau apporte deux paquets : l’un contient un livre sur sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et l’autre, de la terre prélevée près de son tombeau. Inspiré, le Père Turquetil prie la sainte pour obtenir une conversion.
Le père Turquetil parmi les esquimaux |
Peu après, des Esquimaux viennent le
voir et disent : « Nous savions que tu disais la vérité, mais nos péchés nous
font peur. Pourrais-tu nous en délivrer ? »
Le Père les instruit longuement avant de les baptiser. En juillet 1917, les douze premiers Esquimaux sont baptisés, marquant la naissance d’une petite communauté chrétienne fervente. La mission est sauvée.
Mg Turquetil le jour de son sacre. |
En 1932, il devient évêque titulaire de
Ptolémaïs. Mgr Turquetil se retire en 1943, laissant une œuvre missionnaire
exemplaire.
Ses funérailles, présidées par Mgr
Amleto Cicognani, Délégué Apostolique, témoignent de l'immense respect dont
jouit cet « homme de fer ».
Carte du vicariat de Mg Turquetil |
Sources : ouvrage de AG Morice " Monsigneur Turquetil, apôtre des esquimaux"