La réputation des huîtres des côtes françaises remonte à l’époque gallo-romaine. Elles étaient alors connues et très estimées des anciens. Les Athéniens, par exemple, utilisaient leurs écailles pour inscrire leurs votes et prononcer des décisions.
Chez les Romains, les huîtres étaient considérées comme une nourriture à la fois saine et délicate. Pline rapporte qu’un spéculateur nommé Sergius Aurata fut le premier à avoir l’idée de creuser des viviers près des haies pour y engraisser les huîtres, notamment celles du lac Lucrin, près de Pouzzoles. Ces huîtres acquirent une grande renommée grâce à leur saveur exquise.
Ausone, célébrant les huîtres de la Gaule, évoque leur culture dans de grands bassins où elles étaient enfermées afin de se multiplier et de s’engraisser :
Dulcibus in stagnis reflui maris aestus opimal.
(Les eaux chaudes de la mer se déversaient dans des piscines douces.)
On raconte que les gallo-romains appréciaient les huitres de Courseulles
Le port |
Depuis l’établissement des parcs à huîtres dans la commune de Courseulles, l’approvisionnement pour Paris se faisait par le transport de voitures de rouliers qui, depuis quelque temps, accomplissaient la route en trois ou quatre jours. Ce transport, effectué du 15 septembre de chaque année jusqu’au 15 mars de l’année suivante, était interrompu le reste de l'année en raison de la chaleur. Le transport par mer, quant à lui, était peu utilisé.
Un sieur Roblin, capitaine au long cours, a récemment créé une société sous sa gestion. Celle-ci a pour but d’exploiter à grande échelle, par voie maritime et grâce à un service de bateaux à vapeur, le transport des huîtres de Courseulles à Paris. Ce projet repose sur plusieurs considérations :
- Les frais de transport actuels, réalisés uniquement par des voitures, excèdent largement le coût d’acquisition initial des huîtres.
- En été, les envois sont presque inexistants à cause de la chaleur, qui dessèche ou altère la qualité des huîtres transportées en bourriches.
- Par mauvais temps, les voitures ne peuvent porter que les six-septièmes de leur charge normale, une contrainte qui s’étend du 1er novembre au 1er avril.
- Pendant
l’hiver, les huîtres gèlent en route ou sur place.
- Un parc flottant sera remorqué de Courseulles à l’embouchure de la Seine par un bateau à vapeur de 40 chevaux. Il remontera ensuite la Seine jusqu’à Rouen.
- À Rouen, un second bateau à vapeur de même puissance, mais avec un tirant d’eau inférieur (deux pieds maximum), transportera le parc jusqu’à Paris.
- À Paris, le parc à huîtres sera déchargé, tandis que le bateau reviendra chargé de marchandises pour Courseulles ou vide pour récupérer de nouvelles huîtres.
- Les frais d’organisation et de fonctionnement.
- La location des parcs de l’île de Plaisance sur 15 ans.
- L’acquisition de deux bateaux à vapeur et de 12 bateaux plats (8 pour la pêche, 4 pour le transport).
Afin de garantir des ressources abondantes et d’excellente qualité pour la société, M. Roblin a acquis l’île de Plaisance, située à Courseulles.
Cette île comprend 17 parcs à huîtres parmi les plus beaux et réputés de France. L’un d’eux s’étend sur une demi-lieue carrée. Grâce à des canaux souterrains et des écluses aménagées, il sera possible de doubler la capacité du parc si nécessaire.
Modalités d’exploitation :
Quatre bateaux plats d’environ 70 à 80 tonneaux chacun, utilisés comme parcs à huîtres flottants, effectueront des trajets réguliers entre Paris et Courseulles. Ces embarcations seront remorquées par deux bateaux à vapeur, spécialement conçus pour ce service, avec un tirant d’eau adapté aux marées les plus basses.
Le transport se déroulera comme suit :
Ces bateaux pourront également transporter d’autres produits locaux comme le beurre du Cotentin, le poisson du Calvados, ou les volailles et bestiaux du pays d’Auge. Ils accueilleront aussi des passagers.
Organisation commerciale :
Une fois les huîtres livrées à Paris, la société disposera de 12 entrepreneurs, rémunérés sur la base des bénéfices générés par la vente au détail. Ces entrepreneurs seront supervisés par deux inspecteurs, responsables de la conservation des huîtres à bord et dans les entrepôts parisiens. Chaque entrepreneur devra verser une caution d’au moins 6 000 francs en actions de la société.Pour minimiser les coûts d’approvisionnement et contrer la concurrence, la société prévoit de posséder huit bateaux pêcheurs de 30 à 35 tonneaux. Ce contrôle direct permettra de réduire les coûts liés à la pêche.
Le transport exclusif par la société, breveté, abaissera les frais de transport et supprimera les coûts d’emballage considérables. Les bateaux seront également assurés pour garantir la sécurité de l’investissement.
Capital et administration :
Le fonds social est fixé à 510 000 francs et représente :
La société sera constituée dès que 440 000 francs auront été souscrits. Elle fonctionnera sous forme de société en nom collectif, avec M. Roblin comme garant principal. Les actionnaires ne pourront être tenus responsables au-delà de leurs souscriptions.
Les bénéfices seront répartis comme suit : 75 % pour les actionnaires, 25 % pour le fondateur. Les dividendes et intérêts seront versés tous les six mois. En cas de liquidation, les actionnaires seront remboursés de leur capital avant toute répartition des bénéfices restants.
Enfin, une assemblée générale sera convoquée chaque année le 15 janvier. Un conseil de surveillance, composé de cinq membres, veillera à la bonne gestion de l’entreprise.
Notons que si cette société parvient à se former, elle fera un tort considérable dans plusieurs paroisses voisines de Courseulles, et dont les habitants se livrent au transport huîtres par voitures.