RETROUVONS NOS LAVANDIERES.
Nous sommes en juillet 1885, le lavoir de Saint-Gabriel est animé par le bruit de l’eau et des discussions. Deux femmes, Jeanne et Marguerite, lavent leur linge et bavardent.
Jeanne : Eh bien Marguerite, as-tu entendu ce
qu’il s’est passé jeudi soir à Creully ?
Marguerite : À Creully ? Non, qu’est-ce qui s’est
passé ? Tu sais bien que je ne sors guère, surtout le soir !
Jeanne : Figure-toi que le plancher du deuxième
étage de la maison des Planchon s’est effondré ! Tout d’un coup, paf ! Le bois
était pourri, une poutre a cédé. Ça a fait un vacarme terrible, paraît-il.
Marguerite : Oh mon Dieu ! Et il y avait du monde à
l’étage ?
Jeanne : Oui, la femme de Victor et leurs deux
filles dormaient juste en dessous, au premier. Tu imagines la peur qu’elles ont
dû avoir ? Elles se sont retrouvées sous les décombres !
Marguerite : Mon Dieu… Elles n’ont pas été blessées,
j’espère ?
Jeanne : Par miracle, non. Enfin, la plus
grande, celle de 12 ans, a eu une contusion à la jambe droite, mais rien de
grave.
Marguerite : Comment ça se fait qu’elles s’en soient
tirées aussi bien ? Ça aurait pu être bien pire.
Jeanne : Eh bien, la poutre qui s’est brisée a
fini par s’arc-bouter en tombant. Elle a laissé un vide au-dessus du lit où
elles dormaient. C’est ce qui les a protégées !
Marguerite : Ah, quelle chance inouïe ! Et comment
ont-ils fait pour les sortir de là ?
Jeanne : La gendarmerie ! Tu sais qu’elle est
juste en face de chez eux. Les gendarmes ont entendu le bruit et sont accourus
tout de suite. En un rien de temps, ils ont dégagé les trois.
Marguerite : Eh bien, on peut dire qu’ils ont eu une
bonne étoile, les Planchon. Mais cette histoire me fait frissonner… Si cette
poutre avait cédé autrement, on parlerait d’un vrai drame.
Jeanne : C’est sûr. Dis-toi bien qu’ils vont
devoir refaire toute cette maison maintenant, parce qu’avec des poutres dans
cet état… Ça ne peut plus durer.
Marguerite : Et Victor ? Je ne l’ai pas vu au marché
ce matin. Comment prend-il tout ça ?
Jeanne : Il est encore sous le choc, paraît-il.
Mais enfin, il est soulagé que sa femme et ses filles soient en vie. C’est
l’essentiel.
Marguerite : Oui, tu as raison. Et dire qu’on se plaint pour des broutilles… Allez, Jeanne, passons au rinçage. Avec tout ça, on traîne !