Villiers le Sec (Creully sur Seulles) - Avril 1906 , un inventaire de l'église mouvementé.

 Faisant suite à la loi de séparation des Eglises et de l’Etat du 9 décembre 1905, le
décret du 29 décembre 1905 prévoit l’inventaire des biens des Eglises, notamment de l’église catholique afin de préparer la dévolution de ces biens aux associations cultuelles définies dans l’article 4 de la loi.
Les inventaires ont été dressés en 1906, pour chaque établissement public de culte existant avant 1905, à savoir les fabriques, chargées d’administrer les paroisses et les menses curiales et succursales qui étaient destinées à assurer les dépenses personnelles et pastorales du curé. 



La presse locale informe ses lecteurs sur la réalisation des inventaires comme à Villiers le Sec comme ci-contre concernant le petit séminaire. Je reviendrai, dans un futur article, sur cet inventaire. Revenant à celui de l'église de Villiers le Sec et sa fabrique. Au sein d'une paroisse catholique, le conseil de fabrique, jusqu'en 1905 en France, est constitué de clercs et de laïcs. Il a pour mission de collecter et d'administrer les fonds nécessaires à la construction et à l'entretien des édifices religieux ainsi que du mobilier paroissial.
Je vous narre maintenant le jour d'inventaire de l'église de Villiers.
Dans l'aube naissante de Villiers-le-Sec, l’église, bastion de la foi et du lien communautaire, s’éveillait sous le regard inquiet de ses habitants. Ce mardi matin, 3 avril 1906, pourtant ordinaire en apparence, allait s’avérer le théâtre d’un drame inattendu. À six heures, une agitation inhabituelle parcourut le village, lorsque plusieurs brigades de gendarmerie, quarante hommes au total, se mirent en marche, escortant M. Dupont, receveur à Bayeux. Pour une population de seulement cent quatre-vingts âmes, une telle démonstration de force était vertigineuse.
La porte de la sacristie de l'église de Villiers est forcée. 

Réveillé en sursaut par le tumulte, le curé, l’abbé Podevin, au regard désorienté, se hâta vers l’église, son sanctuaire. À peine avait-il franchi le seuil que des villageois accoururent, haletants, un agent lui lit la procuration. Mais la peur de perdre ce qui lui était cher galvanisa son esprit : il repoussa toute négociation. Profitant d’un moment d’inattention des agents, il se précipita vers la sacristie, et, dans un élan de détermination, entreprit de barricader la porte.

Cependant, la ruse ne tarda pas à s’estomper. Trois agents, furtifs comme des ombres, surgirent, poussèrent la porte avec vigueur et, dans une lutte déséquilibrée, réussirent à faire entrer le fonctionnaire. Le rapport de forces était désavantageux : trois contre un, et la victoire fut rapide.

Un jeune garçon, à peine âgé de quinze ans, accourut vers l’église, une pince à la main. En un instant, les placards furent forcés, l’inventaire entamé avec une hâte déconcertante. Dans l’ombre de l’autel, le curé et le président de la fabrique, un vieil homme presque aveugle, se tenaient là, chantant d’une voix tremblante le « Parce Domine », ancrés dans leur résistance.

Dehors, la foule, au regard résolu, tentait de se frayer un chemin à travers le cordon de gendarmes, des uniformes omniprésents et oppressants. Des cris de protestation s’élevaient, des mains se levaient pour défendre leur église, leur curé. Certains, dans un acte de désespoir, cherchaient à pénétrer le cimetière par le presbytère, mais chaque tentative se heurtait à une résistance implacable.

Alors, dans un ultime élan de solidarité, quelques hommes s’infiltrèrent dans un jardin, escaladant le mur qui séparait le cimetière du reste du monde. Ils atteignirent enfin le sanctuaire, mais hélas, trop tard ! La scène qu’ils découvrirent était celle de la désolation : tout avait disparu, tout était fini. La lutte, les chants et l'espoir s’étaient évaporés dans la brume de ce matin tragique. Villiers-le-Sec ne serait plus jamais tout à fait le même.

Dans son rapport au préfét, M. Dupont, receveur de Bayeux précisait : 
"Aucune bagarre ne s’est produite grâce aux forces imposantes de police. M. le curé de Villiers a été très agressif et avait incité la population a manifesté comme il avait déjà fait lors de la première tentative d’inventaire."