Les sociétés populaires sont durant la Révolution des éléments aussi importants à la vie quotidienne d'une commune ou d'un canton que le sont actuellement les partis politiques et les associations, dont elles sont les ancêtres. Le fait d'appartenir à une société est pour un citoyen de l'époque un gage de patriotisme et d'adhésion à la politique nationale.
La Société populaire de Creuilly, district de Caen, annonce à la
Convention nationale que tous les tableaux et autres objets portant des
signes et effigies de féodalité, de royalisme et de tyrannie, qui se
trouvaient encore dans le château du ci-devant Montmorency, ont été
brûlés au milieu des applaudissements de tous les citoyens, et que les
jeunes citoyens du canton de Creully attendent avec impatience le
moment de se mesurer avec les satellites des despotes.
Suit la lettre de la Société populaire de Creully
A la Convention nationale.
« Creully, département du Calvados, district de Caen, le 30 septembre 1793, l'an II de la
République une et indivisible.
.«. Depuis longtemps la Société patriotique du bourg de Creully attendait
les effets de la lutte qui régnait entre les braves de la Montagne et
les lâches de la plaine; elle craignait que le résultat ne fût le
bouleversement de tout l'ordre des choses ; elle craignait que le feu de
la guerre civile ne se répandît, comme un torrent désastreux, sur toutes
les parties de la République; elle craignait de voir couler le sang des
patriotes ; elle craignait enfin de voir finir avec leur vie, le règne
de la liberté. Que disons-nous !.,. Ils ne devaient pas périr : de fiers
montagnards, comme des dieux tutélaires, veillaient sur leur destinée,
et en les arrachant du précipice creusé sous leurs pas, nous osons le
prédire, les chaînes dont les despotes serrent encore les bras des
peuples, seront brisées et serviront à écraser leurs têtes coupables, et
à faire disparaître pour jamais tout pouvoir tyrannique.
« Généreux défenseurs, vous qui avez tiré la France des mains de la
tyrannie et de l'esclavage pour la mettre sous le règne de la liberté et
de l'égalité, quelle reconnaissance ne vous devons-nous pas ? Quelle
reconnaissance ne vous doivent pas tous les hommes ? Oui, citoyens, vous
avez bien mérité de l'univers entier.
« Puisque vous seuls êtes vraiment les amis du peuple, que vous "seuls
avez la force de le rendre heureux ; frappez, frappez les restes de la
tyrannie, de l'aristocratie ; servez-vous de tous les moyens qui sont en
votre pouvoir pour écraser, anéantir ceux qui s'y opposeraient, tous les
royalistes, les fédéralistes/ tous ceux enfin qui travaillent au
rétablissement du trône et à l'asservissement des peuples.
« Citoyens, d'après une demande de notre société et l'arrêté de la
municipalité de Creully, une chasse qui était à l'entrée du château fort du bourg, actuellement démantelé, une chasse, emblème du
despotisme, a été renversée, brisée et foulée aux pieds. Des portraits
de comtes, de marquis, de ducs, de rois, tous les signes et effigies de
la féodalité, du royalisme et de la tyrannie qui étaient encore dans le
château du ci-devant Montmorency, tout a été brûlé au pied de l'arbre de
la liberté, au son du tambour, de l'air Ça ira, Allons enfants de la
Patrie, et de la danse de la carmagnole. Tous les membres de notre
société, le conseil général de la commune, lé tribunal de paix et la
garde nationale de Creully étaient présents à cette cérémonie.
« Les citoyens de la première réquisition de notre Canton brûlent du feu
sacré de la liberté et attendent avec impatience le moment de se mesurer
avec les despotes coalisés; ceux du bourg se sont présentés en cette
société et y ont juré de combattre et de verser jusqu'à la dernière
goutte de leur sang, de ne mettre bas les armes que lorsque la
République soit vengée des attentats commis envers elle et que son sol
soit purgé des royalistes, fédéralistes, muscadins et généralement de
tous les ennemis de l'ordre public. Ils sont prêts à partir au premier
signal.
Des éléments de mobilier et de décoration furent épargnés. |
« Citoyens, contents de votre travail et de votre énergie, notre société
vous invite de rester à votre poste jusqu'à ce que la paix soit
rétablie. Depuis le règne de la Montagne, chez nous l'aristocratie est
aux abois. Encore un dernier effort et elle disparaîtra du globe.
« Bons républicains, vrais sans-culottes.
. « Les président, secrétaires et membres de la société : '
« Gardin, maire ; Legerais, curé de Saint-Gabriel ; Dutruissard, curé de
Greully, président ; Monnin, commissaire du canton, juge de paix,
ex-président de la société ; Quesnel, secrétaire ; Duval, vicaire,
procureur de la commune ; Le Révérend, officier. »