Il y a plus de 40 ans, les éditions Corlet publiaient l'ouvrage de Jacques Henry : " La Normandie en flammes".
Parmi les chapitres, la
délivrance de Creully est évoquée par Me Maurice Fortier, notaire de la localité. En voici des extraits.
« A l’aube de cette journée mémorable du 6 juin, écrit M. Fortier,
vers 3 h 30, comme tous les riverains de la côte normande, entre Saint-Vaast et
Ouistreham, les habitants de Creully et des communes environnantes, villages
proches des plages désormais célèbres, furent réveillés par le déluge infernal
du « Débarquement allié », depuis si longtemps attendu, mais que nulle
imagination n’avait pu prévoir ce qu’il fut en réalité.
« Ce grandiose événement est resté si profondément gravé dans la
mémoire de tous ceux qui en furent les témoins qu’il leur est aisé de revivre
par la pensée ces jours et ces nuits remplis du tonnerre des bombardements, de
tremblements de terre, de ruines et de cauchemars.
« Avec le recul du temps, nous nous demandons encore comment
Creully, carrefour de routes vers la grande voie Cherbourg-Bayeux-Caen, vers
Tilly-sur-Seulles, Caumont, Villers-Bocage, etc., où la bataille fit bientôt
rage, n’a pas été complètement détruit dès les premières heures des opérations.
« Dès 7 heures, les troupes allemandes cantonnées dans le village
étaient en état d’alerte. Le bruit de leurs bottes et des commandements
gutturaux se faisaient fortement entendre dans les rues. Leur excitation était
à son comble.
« Par bonheur, ces troupes ne disposaient que d'une seule batterie
d’artillerie, dont une pièce fut tout d’abord mise en position de combat au
pied du monument aux Morts, prenant en enfilade la rue d'Arromanches, mais elle
ne tira pas et fut bientôt tractée à la sortie du bourg, route de Saint-Gabriel
à Bayeux.
« Trois autres canons furent mis en batterie au hameau de
Fresnay-Saint-Gabriel, route de Saint-Léger, dans la plaine. Juchés dans les
arbres, les Allemands observaient la progression des troupes alliées et ne
devaient pas tarder à ne plus se faire illusion sur l’importance de cet
“exercice de débarquement” et sur le sort qui les attendait.
« Les manœuvres des troupes allemandes, d'ailleurs relativement
peu nombreuses, paraissaient bien indiquer qu’elles n’avaient pas l’intention
de se battre dans le bourg.
« La population s’attendait avec anxiété à un bombardement par
l'aviation ou l’artillerie. Elle restait prudemment dans les abris et
souhaitait ardemment l’arrivée des Alliés.
« Vers 15 heures, les premiers soldats canadiens de la 3e
division, en l’occurrence ceux du Winnipeg Rifles, firent leur
apparition, précédés de tanks, rue de Tierceville, venant de Courseulles par
Banville, Sainte-Croix, Colombiers-sur- Seulles.
« L’un de ces tanks envoya des obus dans le clocher contre des observateurs,
qui ne s’y trouvaient pas, et y causa quelques dommages sans gravité.
« A peu près dans le même temps, des éléments blindés de la 2e
armée britannique (50e division), débarqués entre Asnelles
(Le Hamel) et Ver-sur-Mer (La Rivière), vers 7 h 30, descendaient de la plaine
de Meuvaines, Crépon, dans la vallée de Creullet (hameau de Creully), suivis de
longues colonnes de soldats aux casques recouverts de branchages, marchant à la
file indienne.
« Quelques tirs arrosèrent la vallée et les abords de Creully,
provoquant des dégâts aux toitures de plusieurs immeubles. Malheureusement, un
éclat d’obus blessa mortellement une dame âgée qui était sortie de son abri,
rue de l’École. Ce fut la seule victime civile de la commune.
« La jonction entre les troupes anglaises — 30e
corps d’armée — et canadiennes s’opéra à Creully même, et dans les environs
immédiats du bourg, entre 17 et 18 heures. »
Dans La campagne de la victoire, le colonel Stacey précise
qu’à 5 heures du soir « le bataillon du Winnipeg Rifles s’était
consolidé dans le village de Creully et ses abords L’auteur ajoute :
« Une troupe de chars de l’Escadron « G » du 1er
hussars, commandée par le lieutenant W.F. Mac Cormick, troupe qui appuyait
le Royal Winnipeg Rifles, aida celui-ci à traverser Creully et continua
tout simplement sa route, franchissant Camilly et poussant jusqu’à la limite
nord de Secqueville-en- Bessin. En route, elle démolit un char de reconnaissance
et infligea des pertes à des groupes de fantassins et M. Mac Cormick fut
cérémonieusement salué par un soldat qui, de toute évidence, ne s’attendait pas
à rencontrer l’ennemi si loin à l’intérieur. Que ces chars de combat aient pu
faire une telle incursion et en revenir démontre combien la résistance était
faible cet après-midi-là sur le front de la 7e brigade.
« La jonction des forces canadiennes et anglaises à Creully
procurait à la tête de pont des zones Juno et Gold un front d'une
vingtaine de kilomètres. »
« A 17 h 30, poursuit M. Fortier, Creully était définitivement
libéré. Trente soldats allemands et polonais, non combattants, qui se
trouvaient encore au château furent alors faits prisonniers sans résistance.
« D’après les déclarations d’un officier anglais, si les Allemands
avaient résisté dans Creully, le bombardement allié se serait produit à 18
heures... Nous l’avons frôlé de près !
« Dans le courant de l’après-midi de ce même jour, un engagement
eut lieu entre la batterie d’artillerie allemande de Fresnay et des tanks
canadiens, dont deux furent endommagés. Il fallut déplorer la mort de trois
soldats qui ont été inhumés au cimetière de Creully, puis transférés, plus
tard, dans le cimetière militaire de Bény-Reviers.
« Ce même après-midi, un tank allemand (Tigre), qui
patrouillait dans le vallon vers Villiers-le-Sec, fut détruit par des chars
d’assaut anglais venant de débarquer.
« Ce fut tout pour le même jour.
« Commença dès lors, venant de divers points de la côte et bientôt
d’Arromanches, l’interminable et extraordinaire défilé des troupes et du
matériel (tanks, véhicules automobiles de toutes sortes, etc.) stabilisé à
quelques kilomètres au sud et à l’est de Creully, en l’attente des batailles de
Caen et de Falaise.
« Jusqu’au 19 juillet, date de la libération définitive de Caen,
Creully fut à l'écoute des bruits monstrueux de la guerre, bombardement par les
avions et l’artillerie, tirs des bateaux de guerre, parmi lesquels, comme nous
l'apprenions avec fierté, ceux des unités de la marine française, le Courbet,
le Georges-Leygues et le Montcalm, dont les obus allaient
labourer les arrières de l’ennemi jusque dans le secteur de Tilly-sur-Seulles.
Combats de chars d’assaut des secteurs de Tilly, Caumont, Villers-Bocage,
Caen, etc.