Creully et les communes environnantes - La dentelle ou l'école !

 

Un article de cette revue fut la base de mon texte.
La dentelle aux fuseaux fut longtemps l’industrie la plus florissante de la Basse-Normandie. Sa fabrication s’exerçait principalement dans le Calvados, notamment dans de nombreuses localités autour de Creully.

Dans ce seul département, on comptait, en 1851, près de 50 000 dentellières, et ce chiffre fut ensuite dépassé.

Concernant les salaires, les enfants gagnaient de dix à quinze sous par jour, tandis que la moyenne des ouvrières touchait environ deux francs par jour. Certaines parvenaient même à atteindre trois, quatre, voire cinq francs.

Cette industrie bienfaisante, très populaire et toute en grâce, était de surcroît éminemment moralisatrice et présentait les avantages sociaux les plus sérieux.
D'abord, la nature même de ce travail s’accordait parfaitement avec les obligations de la vie de famille. Le travail en communauté représentait la meilleure école de fraternité et de solidarité.

Quelles pensées n’évoque pas le spectacle de ces humbles ouvrières, exécutant de luxueuses parures à la lueur tremblante d’une lampe, dans un décor misérable mais tout empreint d’évangélisme ! Et lorsqu’elles quittaient leur ouvrage pour regagner, sous la lumière glaciale de la lune, leurs chaumières sans feu,


songeaient-elles seulement que c’était l’heure où les élégantes se paraient de leur labeur ? Elles poursuivaient leur tâche sans en soupçonner la destination, dans le silence discret de leur dévouement.

Ecole de dentelle à Cairon

Ce travail en commun, ces classes, ces chambres de dentelle eurent sur le développement de cette industrie et le perfectionnement des ouvrières une influence considérable. Elles stimulaient le zèle, encourageaient une émulation féconde, offraient un apprentissage sérieux, et présentaient surtout l’avantage de centraliser la production pour mieux la contrôler, voire la diriger.

Dans les années 1880, on écrivait que la crise de la dentelle, aggravée de façon encore insoupçonnée par les nouvelles tendances de l’enseignement primaire, avait presque entièrement ruiné l’apprentissage de cet art :

« Depuis la loi de 1881, les enfants sont retenus à l’école jusqu’à treize ans. Les inspecteurs n’autorisant pas la juxtaposition de l’enseignement professionnel à l’enseignement primaire, les classes de dentelle ont été supprimées. Les enfants n’ont donc pu fréquenter que les écoles primaires. Il ne subsiste guère, dans le Calvados, plus de trois ou quatre classes de dentelle.

On peut alors juger de ce qu’est devenu l’apprentissage. À treize ans, lorsque l’instruction est achevée — âge où, autrefois, sept ou huit années de pratique permettaient déjà de gagner un à deux francs par jour —, ces fillettes doivent tout apprendre d’un métier tombé en désuétude, dont la maîtrise complète exige quatre à cinq années. Or, à cet âge, selon les habitudes rurales, l’enfant est censé contribuer au budget familial. Il faut pourtant sacrifier plusieurs années à l’apprentissage d’un art précaire, dont le redressement, bien qu’espéré par tous, reste encore très incertain.

Le goût des gains précoces et le besoin d’un revenu immédiat détournent donc les enfants de cette profession et les éloignent de leur village, qu’elles aiment sans doute, mais où elles ne peuvent survivre économiquement. Ces fillettes, dont on souhaitait relever la condition, émigrent vers les villes. Autrefois, elles eussent été dentellières ; aujourd’hui, elles seront servantes. Ne reviendront-elles jamais au pays quitté ? »

On précisait que dans la région caennaise, où une enquête fut menée, cet exode des fillettes constituait la cause principale de l’effroyable dépopulation des campagnes, ce qui représente, pour qui sait réfléchir, un réel sujet d’inquiétude.

Dans les petites paroisses, on ne célèbre plus guère de mariages. Pour ne citer qu’un exemple parmi tant d'autres, depuis la crise de la dentelle, un village comme Amblie, près de Creully, a vu sa population chuter de 700 à 300 habitants.

Le départ des enfants a brisé la vie familiale. Que deviennent alors les femmes restées sur place ? Les plus âgées, pour qui la dentelle est une habitude, continueront sans doute à en faire. Mais les femmes de trente à quarante ans,


d’habileté moyenne, considèrent qu’il est illusoire de travailler toute une journée pour gagner dix sous, tout en devant encore payer leur fil. Beaucoup préféreront ne rien faire.

La plupart demeureront oisives, tristes, inoccupées. Et, à la campagne, un tel état d’esprit est trop souvent la première étape vers l’alcoolisme.









En 1903, la municipalité de Creully encourageait les cours de dentelles.






Notre château de Creully a servi de décor dans une série diffusée sur France 3 Normandie, Anachroniks .

La série "Anachroniks, a été tournée en grande partie à Ornavik, le parc historique "Des Vikings aux Normands", à Hérouville-Saint-Clair. 

Une série fiction historique et humoristique de 4 à 6 min, proposée par France 3 Normandie qui nous transporte au XIe siècle dans notre contrée.




Nous retrouvons le château de Creully dans le troisième épisode.

La grande salle voutée du château de Creully.

Anachroniks - épisode 1 : La Choule

Anachroniks - épisode 2 : Le Drakkar

Anarchoniks - épisode 3 : La Féodalité

Anachroniks - épisode 4 : Les Reliques

1866 - Les lavandières de Meuvaines "papotent" sur l'incendie de Crépon (près de Creully).

 


Jeannette : Dites donc, mes filles, vous avez entendu parler de ce qui s’est passé dimanche soir à Crépon ? Un fichu incendie, qu’y paraît !

Clémence : Oh que oui ! Huit heures à peine sonnaient que déjà la grange du sieur Basley flambait comme une torche. Et lui, c’est pas n’importe qui, hein, c’est le charpentier du village !

Margot : Basley ? Sa grange ? Misère… Et c’est tout ce foin pour le boulanger Lécoiant qu’a pris feu ensuite, non ?

Jeannette : Exactement ! Y paraît qu’y avait pas moins de cinq mille bourrées là-dedans ! De quoi nourrir un four à pain pour un an. Le feu, lui, n’a pas attendu. Ça s’est mis à crépiter et à lécher les murs en un rien de temps !

Clémence : Heureusement qu’y avait pas un souffle de vent ce soir-là. Autrement, tout le village y passait ! Tu sais bien, la grange, elle est en plein cœur du bourg…

Margot : Ah ça, j’te le fais pas dire ! Et les secours ? Ils sont arrivés à temps ?

Jeannette : Oh oui ! Les gendarmes, les pompiers de Creully, et même les pompes de Ver et de Graye sont venues. Ils ont lutté ferme jusqu’à trois heures du matin pour maîtriser la bête.

Clémence : Et les élèves du séminaire de Villiers le Sec, t’en parles ? Ils sont venus en courant, guidés par leurs supérieurs. Des vrais braves, je te jure ! Ils ont formé la chaîne pour amener l’eau, vu qu’elle était pas tout près.

Margot : Eh ben, on les a vus, oui. Avec leurs soutanes retroussées et les seaux à bout de bras. Même M. le curé et M. le maire étaient là, à mouiller la chemise !

Jeannette : Et M. Le Moutier, le notaire ! Toujours à encourager les gens, celui-là. Tout le monde a mis la main à la pâte. Pas un pour se défiler.

Clémence : Au moins, une partie des pertes est assurée, qu’on dit. Mais bon, ça console pas tout, hein.

Margot : On raconte que ce serait dû à une imprudence... Tu parles d’un malheur ! Ce matin, les gens de la justice de Bayeux sont venus voir sur place pour comprendre ce qui s’est vraiment passé.

Jeannette : Faut espérer qu’ils trouvent. Parce qu’un incendie pareil, ça laisse pas que des cendres... ça laisse aussi des soupçons.


Creully - 1924 - Au Palais de justice de Caen: incendiaire ou non?

Jules Lechevrier avait été employé pendant plusieurs mois à la laiterie Paillaud à Creully.

Renvoyé par la direction de cet établissement il essaya quelque temps après, d’être réintégré dans son emploi. Ses démarches demeurèrent infructueuses. Furieux de n’avoir pu obtenir satisfaction, Lechevrier proféra, en sortant du bureau, des menaces exprimées à demi-mot.
On ne s’émut nullement de ses propos.
L’employé vindicatif était cependant bien résolu à se venger de ses anciens maîtres.
Dans la nuit du 21 juillet 1924 dernier, un bâtiment dépendant de la laiterie fut détruit par un incendie et les dégâts s’élevaient à la somme de 70 000 francs.
Le sinistre s’était déclaré dans un grenier à foin, et il était difficile de l’attribuer à une cause accidentelle. L’enquête ouverte par la gendarmerie ne tarda pas à faire connaître la culpabilité de Lechevrier.
Il fut établi que l’accusé avait réussi, à la tombée de la nuit, à s’introduire dans le grenier situé au dessus d’une porcherie.
Lorsque l’un des gardiens, M. Laurent, aperçut les flammes, donna l’alerte, Lechevrier fut rencontré par les époux Amar, à une faible distance de l’immeuble incendié. Il marchait à reculons et suivait des yeux les progrès de l’incendie.
On l’invita à se joindre au personnel pour combattre les ravages du feu. Lechevrier balbutia quelques paroles inintelligibles et s’éloigna rapidement.
Le matin vers cinq heures, poussé par l’une de ces hantises qui ramènent souvent les criminels sur le théâtre de leurs exploits, l’incendiaire rôdait, silencieux, autour de la laiterie.
Aux gendarmes qui l’appréhendèrent, il déclara après bien des réticences, qu’il avait effectivement passé une partie de la nuit dans le grenier à foin d’où étaient parties les premières étincelles.
Il ajouta qu’ayant cherché un endroit pour s’étendre, il avait enflammé une allumette qui, en tombant, mit le feu aux bottes de foin mais que l’incendie était dû à une simple imprudence de sa part.
Dans un nouvel interrogatoire, Lechevrier désigna comme l’auteur probable du sinistre un employé de la laiterie Paillaud.
Malgré les charges accablantes réunies contre lui, l’accusé s’est constamment refusé à faire l’aveu de sa culpabilité.
Lechevrier n’a pas d’antécédents judiciaires et les renseignements recueillis sur son compte ne sont pas défavorables.
Au cours de son interrogatoire, l’accusé maintient son système de défense. Les témoins entendus n’ont apporté aucun fait nouveau.
Après le réquisitoire de Maître Lecoufle et une brillante plaidoirie de Maître Chauveau, le jury rapporte un verdict négatif et la Cour acquitte Lechevrier.
(Le nom de l'accusé a été changé)

C'est certainement dans ce bâtiment que l'incendie se déclara.

La forteresse médiévale de Creully sur Seulles va retrouver son "son & lumières".

C'est avec plaisir que l'on va retrouver l'histoire de Creully et de son château au mois d'août prochain.
Grace aux archives de René Lemars, l'un des fondateurs des premiers spectacle, souvenons-nous des années 1972 et suivantes.
 








1876 - Félicitations aux écoliers du canton de Creully

 Le jeudi 23 novembre 1876, à 2 heures, la plupart des instituteurs et institutrices des cantons de Bourguébus, Creully, Évrecy et Villers-Bocage étaient réunis à Caen, dans la grande salle du pavillon des Sociétés savantes, pour assister à la distribution des récompenses décernées par la Société d’Agriculture et de Commerce de Caen. Ces distinctions étaient attribuées aux enseignants ayant transmis avec le plus de succès à leurs élèves des notions élémentaires d’agriculture et d’horticulture raisonnées, ainsi qu’aux élèves qui en avaient tiré le meilleur profit.






Voici quelques résultats concernant les écoliers du canton de Creully.

Peut-être que vous y trouverez l'un de de vos aïeux.








Creully sur Seulles - 1873 - Projet d'alignement sur les routes départementales


Les archives départementales du Calvados recèlent de véritables trésors. À chacun de mes passages, je prends un plaisir presque secret à les redécouvrir, à en tourner les pages comme on effleure un passé encore vivant, et à en capter l’essence pour mieux la préserver. De ces instants naissent des articles, fruits de mes explorations, que je me réjouis de partager avec vous à travers les pages de mon blog.

Plongons-nous dans des plans datant de 1873 représantant les routes départementales qui traversent Creully sur Seulles en indiquant les modifications d'alignement ( en jaune) à effectuer sur les maisons qui bordent ces routes.
Je vous invite à découvrir chaque route qui traverse Creully à travers une série de vidéos que j’ai conçues comme des promenades guidées. Sur ces images en mouvement, j’ai disposé des photographies des ruelles, des sentes et des passages, tout en y signalant les commerces d’aujourd’hui. Une manière simple et vivante de vous repérer, comme si vous y étiez, marchant à mes côtés.

RUE DE BAYEUX

 RUE DU MARECHAL MONTGOMERY
PLACE E.PAILLAUD
RUE DE CAEN
RUE DE BRETTEVILLE
RUE DE TIERCEVILLE

Ver sur Mer - Les ombres des voiles du nord - Une légende

Ver-sur-Mer se tenait fièrement en Normandie, marqué du sceau de saint Gerbold, protecteur bienveillant de ces terres battues par les flots. La Tour de Fol, dominant la mer, perchée non loin de Bayeux, dans le village de Ver sur mer, racontait à elle seule des siècles de destins. Lieu de légendes.

C’était une époque troublée, où la mer n’apportait guère d’autre écho que celui du danger. Vers le commencement du neuvième siècle, les Normands, maîtres intrépides de leurs frêles esquifs, déferlaient sur le riche et beau pays de France. Leurs incursions ne connaissaient pas de limites : ils remontaient hardiment les rivières, pénétrant loin dans les terres où nul ne pensait qu’un ennemi pouvait s’aventurer. Quant aux contrées riveraines, elles vivaient sous l’incessante menace de ces marins farouches, payant de lourdes rançons pour épargner leurs terres du feu et de l'épée.

Gravure datée de 1869

Certes, des seigneurs courageux veillaient sur leurs domaines. Mais hélas, rien ne pouvait rivaliser avec la mobilité foudroyante des assaillants scandinaves, qui surgissaient et disparaissaient comme des ombres. Leur passage laissait derrière eux le désastre : des villages réduits en cendres, des campagnes dévastées, et une moisson de morts.

Au cœur de ces temps tourmentés, une bâtisse se dressait, belle et téméraire à Ver sur mer : la Tour du Fol ou d'Amour, ainsi nommée à cause de l’histoire qu’elle abritait. Là vivait un jeune seigneur, récemment uni à une damoiselle d’une rare beauté, rencontrée dans les environs. Leur amour était flamboyant, éclatant, un phare dans l’obscurité d’une époque de troubles. La lune de miel illuminait leurs jours et leur faisait oublier tout le reste : les tracas du monde, les murmures des menaces et jusqu’aux cris de guerre qui bruissaient parfois au loin.

Le cœur du seigneur battait exclusivement pour son épouse, et il délaissait volontiers toute affaire militaire pour s’abandonner à ses caresses et à son sourire. Il ne voyait en ces "Northem" que des ombres lointaines, incapables de troubler le sanctuaire de son amour.

Cependant, l’amour, tout puissant qu’il fût, n’avait pas protégé la Tour du Fol des regards avides. Un chef normand, Wilkind, avait appris la présence de la belle châtelaine. Homme d’ambition et de conquêtes, il avait toujours su s’arroger ce que son cœur désirait, soit par la force, soit par la ruse. Et cette fois encore, il se jura d’en faire de même.

"Ce trésor m’appartiendra !" avait-il proclamé à ses compagnons, le regard fixé sur l’horizon. À ses guerriers, il laissait tout le reste : les coffres, les vivres, les joyaux. Mais la dame, elle, serait pour lui.

La lune montait haut dans le ciel, recouvrant les eaux calmes d’un voile d’argent. Sous les ombres de la nuit, les barques des Scandinaves glissèrent sans bruit. Wilkind et ses hommes attendaient l’heure propice pour frapper, tapis comme des loups affamés.

Pendant ce temps, au sommet de la Tour du Fol, rien ne troublait la félicité du seigneur et de sa dame. Reposés dans l’intimité de leurs alcôves, ils ne savaient rien des cendres et des flammes qui s’apprêtaient à consommer leur rêve. Mais à l’ombre du bonheur rôdait le malheur, et la Tour du Fol n’était peut-être plus que le théâtre d’un dernier acte.

°°°°°°°°°°°°

Minuit tombait comme un voile sur la campagne endormie. La Tour du Fol baignait dans une sérénité trompeuse, son sommet caressé par les éclats de la lune. Loin en contrebas, l’onde noire de la mer laissait s'approcher les barques des guerriers normands. Avec une précision silencieuse, Wilkind guidait ses hommes. Ils glissèrent dans les eaux, leurs rames mordant les flots sans un bruit.

L’obscurité était leur alliée. Une fois accostés, ils se dispersèrent comme une nuée, serpentant entre les herbes hautes et les ombres projetées par les murailles de la tour. Wilkind marchait en tête, son esprit déjà captivé par l'image de celle qu'il venait arracher à son paradis terrestre.

Pendant ce temps, dans les murs épais de la Tour du Fol, l’amour régnait encore. Le jeune seigneur, allongé auprès de son épouse, admirait le doux contour de son visage baigné par une lumière d’argent. Elle souriait dans son sommeil, insouciante, tandis que lui se promettait en silence de l’aimer jusqu’à la fin des âges.

Mais les dieux, cruels spectateurs, s’apprêtaient à briser cette harmonie.

Un cri déchira soudain la quiétude de la nuit, suivi par le tintement du métal. Surpris dans leur sommeil, le seigneur et sa dame bondirent de leur couche.

"Que se passe-t-il ?" murmura-t-elle d’une voix tremblante.

Déjà, le bruit des pas précipités retentissait dans les escaliers de pierre. Les flammes montèrent dans l’obscurité, lançant des ombres terrifiantes sur les murs. Le seigneur attrapa son épée, toujours à portée de main, et se tourna vers elle :

"Reste ici, ma douce ! Je vais voir. Garde la porte close quoi qu'il arrive."

Elle voulut le retenir, mais déjà il s’élançait, sa lame brillant sous la lumière tremblante des torches.

C'est ici, à Ver sur Mer que s'élevait la "tour du Fol" dite "tour de l'Amour"

Dans la grande salle en contrebas, les Normands s’étaient déjà engouffrés, repoussant les gardes qui tentaient en vain de défendre l’entrée. Wilkind avançait, imposant, le regard fixé sur le sommet de la tour. Mais il se figea un instant en voyant le jeune seigneur descendre l’escalier, le port altier, son épée au clair.

"Tu oses souiller ma demeure !" tonna-t-il, la voix vibrante d’une colère sacrée.

Wilkind sourit, amusé par le défi lancé. Il fit un signe de la main ; ses hommes s’écartèrent.

"Je suis venu pour elle," répondit-il avec un calme froid. "Cède-la, et je t’épargnerai."

Les flammes dansaient autour d’eux, et dans ce décor de feu et de cendres, les deux hommes s’observèrent.

"Plutôt mourir que de te livrer ma femme !" répliqua le seigneur.

Wilkind tira son épée, un sourire carnassier éclairant son visage.

"Soit, seigneur. Mourons alors… ou vainquons !"

 La grande salle résonna bientôt des bruits d’acier contre acier. Le jeune seigneur, porté par la rage et l’amour, se battait avec une ardeur désespérée. Mais Wilkind, rodé aux batailles, avait la puissance et la technique. Il parait chaque coup avec une aisance effrayante, tournant autour de son adversaire tel un fauve autour d'une proie affaiblie.

Au sommet de la tour, la dame écoutait, le cœur battant. Ses mains tremblaient tandis qu’elle serrait contre elle un poignard d'apparat, seul vestige d'une défense dérisoire. Ses prières montaient vers le ciel, mais les dieux restaient silencieux.

Lorsque le cri du seigneur perça les bruits du combat, suivi du lourd fracas d’un corps tombant sur la pierre, elle comprit que l’inévitable s’était produit.

Les pas montèrent l’escalier, lents, implacables. Puis Wilkind apparut dans l'encadrement de la porte. Ses yeux d’acier croisèrent ceux, effrayés, de la jeune femme.

"Rien ni personne ne m’arrête," déclara-t-il, d’une voix aussi froide que le métal qu’il portait.

La jeune femme recula, son regard rempli de défi malgré la peur. Le poignard qu’elle tenait dans ses mains tremblantes brillait faiblement à la lumière des torches. Wilkind s’approcha lentement, le sourire d’un prédateur jouant sur ses lèvres.

Mais alors qu’il tendait une main pour s’emparer d’elle, un bruit inattendu, lourd et sec, retentit depuis l’escalier. Les derniers gardes loyalistes avaient dû se regrouper pour tenter un sursaut. Wilkind hésita, son instinct d'homme de guerre prenant le dessus.

Le bruit d'une corne, écho venu des bois voisins, porta avec lui une nouvelle : les habitants du domaine, rassemblés par des messagers qui avaient échappé à l'attaque, arrivaient en renfort. Une bataille restait à jouer.

Wilkind lança un regard noir à la dame. "À bientôt, belle," grogna-t-il avant de reculer vers l’escalier. Laissant là son rêve brisé par la ténacité de ses proies, il disparut dans les ombres comme il était venu.

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L’aube se leva sur la Tour du Fol, dévoilant le chaos laissé par l’assaut. Des murs noircis par les flammes se tenaient encore debout, comme des sentinelles témoignant d’une bataille âprement menée. Le sol était jonché de débris : armes abandonnées, écharpes ensanglantées, et le silence pesant des vaincus.

Le jeune seigneur, blessé mais debout, errait dans la cour. Sa silhouette vacillante portait les marques du combat : son épaule saignait, et son bras gauche pendait inutile. Pourtant, son regard ne cherchait qu’une chose : elle.

Dans l’escalier menant à la chambre haute, il trouva sa dame, blottie derrière une porte défoncée. Ses mains serraient encore le poignard inutile, mais ses yeux pleins de larmes s’illuminèrent à la vue de son époux.

"Tu es vivant !" s’écria-t-elle, courant vers lui malgré la douleur qui habitait son cœur.

Le jeune seigneur la prit dans ses bras, murmurant des paroles rassurantes bien que son esprit fût empli d’angoisses. Les Normands, même repoussés cette nuit-là, reviendraient. Il le savait. Ce n’était qu’un répit, une lueur dans les ténèbres.

 Les jours suivants furent consacrés à panser les plaies et à relever les murs. Les villageois, rassemblés autour de la tour, proposèrent leurs bras et leurs ressources pour rebâtir ce que les flammes avaient détruit. Le couple, désormais uni par une épreuve terrible, travaillait sans relâche. La jeune épouse, pourtant si frêle, apportait le courage et l'espoir par sa seule présence.

Mais malgré l’amour et la solidarité, un murmure sourd parcourait la région. Wilkind et ses hommes n’avaient pas été écrasés, seulement dispersés. Et si leur chef n’avait pas pris la dame ce soir-là, c’est uniquement parce qu’il avait été rappelé à la prudence.

"Il reviendra," murmurait-on aux abords des champs. "Les Normands ne se contentent jamais d’une défaite."

Le jeune seigneur savait ces murmures vrais. Alors, avec une détermination nouvelle, il entreprit de transformer la Tour du Fol. Elle devint une forteresse, un bastion imposant fait non seulement de pierre mais de loyauté et de feu. Il instruisit ses hommes, perfectionna les défenses, fit couler des douves profondes, érigea des herses impénétrables.

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Épilogue

La légende raconte que Wilkind ne revint jamais. Peut-être les murs imprenables de la Tour d’Amour l’avaient-ils découragé, ou bien ses propres ambitions l’avaient porté vers d’autres rivages. Mais quoi qu’il en soit, la Tour devint un symbole de résilience.

La jeune dame et son époux vécurent de longues années, entourés de ceux qui les avaient aidés à surmonter l’adversité. La Tour du Fol, rebaptisée Tour d’Amour par les générations futures, fut évoquée comme le lieu où l’amour avait tenu tête à la barbarie et où le courage avait résisté à l’effroi.

Certains disent qu’en approchant la vieille tour au clair de lune, on peut entendre le murmure du vent dans les pierres, comme un écho de la promesse faite ce soir-là :

"Jamais notre amour ne pliera."

Et ainsi, parmi les légendes qui parsèment les rivages du nord, la Tour d’Amour continue de briller, non pas seulement comme une forteresse, mais comme un témoignage immortel d’une lutte pour ce qui est le plus précieux : la vie, la liberté… et l’amour.

Source : Livre de G Lanquest paru en 1907.

Lire les deux autres légendes de Ver sur Mer,  Un clic sur les titres ci-dessous :

Clotilde et Lotaire... L'Amour de la Tour de Ver sur mer.
Ver sur Mer - La légende de la sentinelle de pierre : la "Tour du Fol"


 

Le taureau de Creully par les lavandières de Secqueville en Bessin.

 


Retrouvons ces dames au lavoir de Secqueville en Bessin.

Berthe : Ah, Marise, as-tu entendu parler de ce qui s’est passé hier à Creully ?

Marise : Non, quoi donc ? Encore des commérages ?

Berthe : Point du tout ! Un accident, et pas des moindres ! Figure-toi qu’au concours d’animaux organisé par la Société d’agriculture de Caen, un taureau a failli estropier un homme !

Marise : Un taureau ? Sainte Mère ! Mais comment cela est-il arrivé ?

Berthe : Eh bien, les messieurs du jury étaient là, examinant les bêtes comme ils le font chaque année. M. Hornez, un des juges, inspectait la mâchoire d’un taureau pour vérifier son âge. Mais voilà que l’animal, mal retenu par son bouvier, s’énerve tout à coup et se met à ruer comme un diable !

Marise : Grand Dieu ! Et il a blessé quelqu’un ?

Lavoir de Secqueville en Bessin

Berthe : Oh oui ! M. Hornez a eu le bon sens de s’écarter à temps, sinon il était frappé en pleine poitrine. Mais M. le comte d’Osseville, lui, a été jeté à terre comme un vulgaire sac de farine !

Marise : Oh là là, pauvre homme !

Berthe : Et ce n’est pas tout ! M. Jardin a reçu un coup au bras droit, rien de bien grave, mais M. Duquesnel, lui, a été bien malchanceux… la bête lui a rué sur le pied gauche, et il en a été blessé assez sérieusement !

Marise : Ah, les pauvres ! On croit que juger un concours de bêtes, c’est une affaire tranquille, mais voilà bien la preuve du contraire !

Berthe : Tu l’as dit ! Ce n’est pas tout rose, ces histoires-là… Tiens, passe-moi donc ce savon, j’ai encore deux draps à frotter avant de rentrer.

Article sur le même thème Creully sur Seulles - Septembre 1880 - Les jurés du concours agricole face au taureau.

Le premier week-end de printemps 2025, la Seulles disparut puis réapparut deux jours plus tard.

 


Le premier dimanche du printemps, les habitants de Creully et ceux du hameau de Creullet furent témoins d’un phénomène étrange : la Seulles, cette rivière paisible qui serpentait dans la vallée, disparut soudainement. Son cours, d’ordinaire si régulier, s’interrompit brusquement en un point précis de son lit, où un trou s'était formé dans la nuit.


Des habitants de Tierceville, alertés par le silence anormal de la rivière, remontèrent vers l’amont en empruntant les berges. Là où, la veille encore, l’eau clapotait joyeusement, il ne restait qu’un gouffre sombre, avalant la Seulles comme un monstre insatiable. Les villageois s’interrogeaient, certains murmurant qu’un esprit ancien s’était réveillé, d’autres évoquant un phénomène géologique inexplicable.

C'est ici que la Seulles disparut.


Des experts furent appelés, mais ni les géologues ni les hydrologues ne purent donner d’explication immédiate. La rivière s’était tout simplement volatilisée, aspirée sous terre sans laisser de trace.

Puis, deux jours plus tard, alors que le mystère s’épaississait et que certains craignaient de voir la Seulles disparaître à jamais, l’eau revint aussi soudainement qu’elle s’était évaporée. Le gouffre, qui paraissait encore béant la veille, s’était comme refermé sur lui-même. La rivière reprit son cours normal, comme si rien ne s’était jamais passé.

Les habitants restèrent perplexes. Était-ce un caprice de la nature, une faille souterraine qui s’était ouverte puis refermée ? Ou bien une vieille légende locale, oubliée depuis longtemps, venait-elle de leur rappeler qu’il y a bien des siècles, on pouvait quitter la forteresse médiévale de Creully par un souterrain pour rejoindre la grande ferme à l’entrée de Crépon, un village au nord-ouest ? La rivière Seulles avait-elle voulu visiter ce passage secret ?

Quand la laiterie Paillaud de Creully envoyait ses boites de lait en Birmanie.

 La Birmanie a été touchée vendredi par un séisme de magnitude 7,7 qui s'est produit à 16 kilomètres au nord-ouest de la ville de Sagaing, et dont les secousses ont été ressenties jusqu'en Thaïlande. A ce jour on dénombre plus de 1600 morts.

Après la guerre de 39-45, la laiterie PAILLAUD de Creully mettait en boite du lait concentré pour la Birmanie comme nous le prouve l'étiquette ci-dessous.

Collection philippe Vuillemin
Une partie de la laiterie Paillaud .

Creully sur Seulles - Le Père Fouras de Creully

Monsieur Fouras que l'on appelait "le père Fouras" qui a été secrétaire de mairie et un très bon violoniste. Le bureau d'accueil de la mairie était au rez de chaussée de cette tour dès 1946.