1837 - Le projet de sieur Roblin pour acheminer les huitres de Courseulles à Paris

 La réputation des huîtres des côtes françaises remonte à l’époque gallo-romaine. Elles étaient alors connues et très estimées des anciens. Les Athéniens, par exemple, utilisaient leurs écailles pour inscrire leurs votes et prononcer des décisions.

Chez les Romains, les huîtres étaient considérées comme une nourriture à la fois saine et délicate. Pline rapporte qu’un spéculateur nommé Sergius Aurata fut le premier à avoir l’idée de creuser des viviers près des haies pour y engraisser les huîtres, notamment celles du lac Lucrin, près de Pouzzoles. Ces huîtres acquirent une grande renommée grâce à leur saveur exquise. 

Ausone, célébrant les huîtres de la Gaule, évoque leur culture dans de grands bassins où elles étaient enfermées afin de se multiplier et de s’engraisser :
Dulcibus in stagnis reflui maris aestus opimal.
(Les eaux chaudes de la mer se déversaient dans des piscines douces.)

On raconte que les gallo-romains appréciaient les huitres de Courseulles

Le port 
LE PROJET DE SIEUR ROBLIN

Depuis l’établissement des parcs à huîtres dans la commune de Courseulles, l’approvisionnement pour Paris se faisait par le transport de voitures de rouliers qui, depuis quelque temps, accomplissaient la route en trois ou quatre jours. Ce transport, effectué du 15 septembre de chaque année jusqu’au 15 mars de l’année suivante, était interrompu le reste de l'année en raison de la chaleur. Le transport par mer, quant à lui, était peu utilisé.



Un sieur Roblin, capitaine au long cours, a récemment créé une société sous sa gestion. Celle-ci a pour but d’exploiter à grande échelle, par voie maritime et grâce à un service de bateaux à vapeur, le transport des huîtres de Courseulles à Paris. Ce projet repose sur plusieurs considérations :

  • Les frais de transport actuels, réalisés uniquement par des voitures, excèdent largement le coût d’acquisition initial des huîtres.
  • En été, les envois sont presque inexistants à cause de la chaleur, qui dessèche ou altère la qualité des huîtres transportées en bourriches.
  • Par mauvais temps, les voitures ne peuvent porter que les six-septièmes de leur charge normale, une contrainte qui s’étend du 1er novembre au 1er avril.
  • Pendant l’hiver, les huîtres gèlent en route ou sur place.

  • Un parc flottant sera remorqué de Courseulles à l’embouchure de la Seine par un bateau à vapeur de 40 chevaux. Il remontera ensuite la Seine jusqu’à Rouen.
  • À Rouen, un second bateau à vapeur de même puissance, mais avec un tirant d’eau inférieur (deux pieds maximum), transportera le parc jusqu’à Paris.
  • À Paris, le parc à huîtres sera déchargé, tandis que le bateau reviendra chargé de marchandises pour Courseulles ou vide pour récupérer de nouvelles huîtres.
  • Les frais d’organisation et de fonctionnement.
  • La location des parcs de l’île de Plaisance sur 15 ans.
  • L’acquisition de deux bateaux à vapeur et de 12 bateaux plats (8 pour la pêche, 4 pour le transport).
M. Roblin ambitionne d’offrir des approvisionnements réguliers et suffisants en toutes saisons. Il prévoit d’assurer la conservation optimale des huîtres durant le transport, grâce à l’usage éventuel d’eau de mer, de glacières, de tentes ou de calorifères. Le coût du transport serait réduit de cinq à six fois et réalisé plus rapidement, tout en proposant aux consommateurs des huîtres de meilleure qualité à un prix inférieur.
Afin de garantir des ressources abondantes et d’excellente qualité pour la société, M. Roblin a acquis l’île de Plaisance, située à Courseulles.

Cette île comprend 17 parcs à huîtres parmi les plus beaux et réputés de France. L’un d’eux s’étend sur une demi-lieue carrée. Grâce à des canaux souterrains et des écluses aménagées, il sera possible de doubler la capacité du parc si nécessaire.
Modalités d’exploitation :
Quatre bateaux plats d’environ 70 à 80 tonneaux chacun, utilisés comme parcs à huîtres flottants, effectueront des trajets réguliers entre Paris et Courseulles. Ces embarcations seront remorquées par deux bateaux à vapeur, spécialement conçus pour ce service, avec un tirant d’eau adapté aux marées les plus basses.
Le transport se déroulera comme suit :
Ces bateaux pourront également transporter d’autres produits locaux comme le beurre du Cotentin, le poisson du Calvados, ou les volailles et bestiaux du pays d’Auge. Ils accueilleront aussi des passagers.
Organisation commerciale :
Une fois les huîtres livrées à Paris, la société disposera de 12 entrepreneurs, rémunérés sur la base des bénéfices générés par la vente au détail. Ces entrepreneurs seront supervisés par deux inspecteurs, responsables de la conservation des huîtres à bord et dans les entrepôts parisiens. Chaque entrepreneur devra verser une caution d’au moins 6 000 francs en actions de la société.
Pour minimiser les coûts d’approvisionnement et contrer la concurrence, la société prévoit de posséder huit bateaux pêcheurs de 30 à 35 tonneaux. Ce contrôle direct permettra de réduire les coûts liés à la pêche.
Le transport exclusif par la société, breveté, abaissera les frais de transport et supprimera les coûts d’emballage considérables. Les bateaux seront également assurés pour garantir la sécurité de l’investissement.
Capital et administration :
Le fonds social est fixé à 510 000 francs et représente :
La société sera constituée dès que 440 000 francs auront été souscrits. Elle fonctionnera sous forme de société en nom collectif, avec M. Roblin comme garant principal. Les actionnaires ne pourront être tenus responsables au-delà de leurs souscriptions.
Les bénéfices seront répartis comme suit : 75 % pour les actionnaires, 25 % pour le fondateur. Les dividendes et intérêts seront versés tous les six mois. En cas de liquidation, les actionnaires seront remboursés de leur capital avant toute répartition des bénéfices restants.
Enfin, une assemblée générale sera convoquée chaque année le 15 janvier. Un conseil de surveillance, composé de cinq membres, veillera à la bonne gestion de l’entreprise.
Notons que si cette société parvient à se former, elle fera un tort considérable dans plu­sieurs paroisses voisines de Courseulles, et dont les habitants se livrent au trans­port huîtres par voitures.

Sources : Archives départementales du 14 , "Courseulles sur mer" de Georges Liot, "La vie caennaise du consulat au second empire" de L. Esnaud et V. Dufour.

Les lavandières de Tierceville... l'orage du côté de Crépon

 

Paroles de lavandières


Nous sommes le 5 fructidor de l'an 6 de la République (22  août 1798) sur les bords du lavoir de Tiercevillle sur les bords de la Seulles.



Marie : Eh bien, dites donc, Louise, vous avez entendu parler de l’orage qu’il y a eu avant-hier, dans la région de Crépon ? Quel désastre !

Louise : Oh, ne m’en parlez pas, Marie ! Ça a causé des ravages épouvantables dans tout la région de Crépon. Savez-vous que les communes de Ryes, Fresnay et Arromanches ont été entièrement dévastées ?

Marie : Oui, oui, et c’est cette grêle grosse comme des œufs de poule qui a tout détruit. Tous les grains, même le chanvre qu’on n’avait pas encore récolté, ont été perdus !

Louise : Et les pommiers, alors ! Plus une pomme à espérer avant plusieurs années, tous frappés de stérilité. On dirait que le ciel s’est acharné contre nous.

Marie : Il paraît même qu’à Ryes, la foudre a blessé quelques pauvres âmes. Vous imaginez la frayeur?

Louise : Ça, c’est terrible. Et les bestiaux, les pauvres bêtes… Ceux qui n’étaient pas à l’abri ont été malmenés. Certains en sont morts.

Marie : Vous savez, même les oiseaux n’y ont pas échappé. Le lendemain, il paraît qu’on en a ramassé un grand nombre, et ils étaient tous en lambeaux… Quelle horreur.

Louise : Ah, ma pauvre Marie, les habitants sont dans un état de consternation… Comment vont-ils s’en sortir ? C’est un coup dur pour tout le monde.

Marie : Un coup dur, c’est le moins qu’on puisse dire. Il va falloir beaucoup de courage pour se relever de ça.

Louise : On ferait bien de prier pour des jours meilleurs, ma bonne Marie. Avec des malheurs pareils, il ne reste plus qu’à espérer que la République enverra son soutien.

(Le fait relaté a bien eu lieu.)

Creully sur Seulles - Crépon - 1851 - L'affaire de la malle-poste.

Un fâcheux événement, qui, par les circonstances dans lesquelles il s’est accompli, a fait croire d’abord à un crime, est survenu hier matin sur le territoire de la commune de Crépon. Parti à cinq heures du matin de son domicile, selon sa coutume, le nommé Cauvain, entrepreneur de la malle-poste de Creully à Bayeux, a été rencontré à quelque distance de la tourelle de Creully, cheminant dans sa voiture vers le chemin de Bazenville, par un voiturier


qui venait à sa rencontre. Celui-ci, s'apercevant que le cheval de la malle-poste avançait à l'aventure et sans direction, est descendu et a trouvé Cauvain renversé en arrière, la tête fracassée par un coup de feu, mais donnant encore quelques signes de vie. Transporté dans une auberge voisine, il a rendu le dernier soupir une heure après, sans avoir repris connaissance.

La balle, entrée par le côté gauche du cou, s’était logée, après avoir longé le crâne, au-dessous de l’oreille droite. Aucun indice ne laissant soupçonner une tentative de vol, on attribuait ce crime à une vengeance. Prévenue immédiatement, la justice de Bayeux, accompagnée de M. le docteur Paulmier, s’est rendue sur les lieux. Il est résulté de l’enquête et de l’autopsie du cadavre que la mort de Cauvain est le résultat d’un suicide, qui, bien que survenu dans de singulières circonstances, s’est trouvé expliqué par des faits antérieurs.

Il semblerait qu’il avait manifesté, la veille, être en proie à des chagrins domestiques qui l’auraient poussé à cette fatale détermination. Un pistolet, acheté quelque temps auparavant chez un armurier de Bayeux et qu’il portait dans une poche de sa voiture, a servi à l’exécution de son projet, une circonstance qui, jointe à bien d’autres, ne laisse aucune incertitude sur la nature de ce triste événement. Cauvain était généralement estimé dans la contrée.

Ajoutons que, dès la première nouvelle de l’événement, M. le curé de Crépon est accouru auprès du malheureux, espérant un moment où il pourrait recouvrer quelque lueur de conscience. Il était accompagné de M. Nicolle, médecin et maire de la commune, dont les soins les plus empressés se sont révélés infructueux.

L'enfant de Reviers devint l'évêque des esquimaux.

        J'ai découvert cet article dans le journal "Le Soleil" du Québec. Une raison de faire une recherche sur ce religieux.


En 1876, à Reviers, naquit et fut baptisé Arsène Turquetil qui deviendra Monseigneur Turquetil.

Reviers non loin de Creully.

          À sa naissance, sa famille comptait déjà deux garçons. En 1886, il perd une petite sœur, sa filleule. Quelques jours plus tard, sa mère, dentellière, décède à l'âge de 37 ans.

L'acte de naissance d'Arsène

Recensement de Reviers de 1876 où Arsène Louis Eugène figure.

Soeur Bruno
À la suite de ce décès, une question se pose : comment élever les enfants ? Le père n'est pas fortuné et, cinq ou six jours par semaine, il est absent en raison de son travail chez un meunier.
Les deux aînés sont donc confiés à des familles chez qui ils entrent à leur service. Quant à Arsène, trop jeune pour travailler, il est recueilli dans un hospice de vieillards dirigé par des religieuses où soeur Bruno devint sa nouvelle mère.

D'autres enfants seraient marqués à vie par de tels événements, sombrant dans la mélancolie, développant de la jalousie envers des camarades plus chanceux ou nourrissant une certaine révolte. Mais ce n'est pas le cas pour Arsène. Il appartient à une autre trempe.
Déjà, on discerne en lui la foi, l'intelligence et la volonté du futur apôtre.

Sa foi : à 8 ans, il affirme à tous qu'il ira convertir les infidèles. Une difficulté se présente cependant pour ses études : il est issu d'une famille pauvre. Mais il a confiance et se met à prier Notre-Dame de la Délivrande. Peu à peu, les obstacles s'aplanissent. À 9 ans, il entre au Petit Séminaire de Villiers-le-Sec.

Du point de vue intellectuel, c'est un élève fort bien doué, bénéficiant notamment d'une mémoire remarquable. Plus tard, son auxiliaire, Mgr Clabaud, déclarera : « Mémoire prodigieuse. » Cette qualité lui sera très utile, entre autres, pour apprendre la langue des Esquimaux, rédiger une grammaire et établir un lexique.
En attendant, il étudie les grammaires françaises, latine et probablement grecque. Il travaille vite et bien, ce qui lui laisse du temps libre. Comment l'occupe-t-il ? Espiègle, il aime jouer des tours à ses camarades et à ses maîtres. Il serait même allé jusqu’à prévenir le préfet de discipline que, tel jour à telle heure, il sortirait du dortoir. Une légende, peut-être. Mais comme on dit : « On ne prête qu'aux riches. »

Cela dit, Arsène ne cède jamais à un mauvais esprit. Quand il le faut, il sait être sérieux et attentif.
Sa volonté est à la hauteur de son intelligence : généreuse et tenace.

Vers la fin de sa première année au séminaire, un missionnaire, évêque à Ceylan, rend visite aux élèves. Il leur demande : « Voyons, qui viendra chez nous ? »
— « Moi ! » s'écrie Arsène Turquetil sans hésiter.
— « À la bonne heure, en voilà un ! » répond l'évêque.

Un peu plus tard, tandis que l’évêque monte en voiture, le jeune Arsène lui demande : « Monseigneur, dois-je mettre mon uniforme ? » Mais la voiture part sans lui. Cela pourrait sembler être un enthousiasme enfantin sans conséquence, mais en réalité, sa volonté est déjà solide.
En troisième, son directeur lui dit :
— « Vous voulez être missionnaire ?
— Oui, mon Père.
— C'est de l'imagination. Comment pourriez-vous devenir missionnaire, capable de tout supporter, le martyre au besoin, alors que vous n'êtes même pas capable de rester cinq minutes tranquilles ?
— Je vais essayer, mon Père. »

L'abbé Turquetil
Et il y parvient. À tel point que le Supérieur commence à s’inquiéter. Il le convoque et lui demande :
— « Es-tu malade ? Prépares-tu quelque mauvais coup ? Ou as-tu changé d’idée ? »
Le futur missionnaire répond simplement : « Non, je veux être sage. »
Le Supérieur reste sceptique dans un premier temps, mais finit par se rendre à l'évidence.

Il entra au grand séminaire de Sommervieu, diriigé par les Messieurs de Saint-Sulpice. Il prit la soutane le 21 novembre 1893, un pas de plus vers le but suprême. 

Mgr Clabaud, l'un des auxiliaires du Père Turquetil, le décrit comme un véritable « homme de fer ». Une remarque qui prend tout son poids lorsqu’elle vient d’un officier de la police canadienne qui avait vu Mgr Turquetil en action lors d’un éprouvant voyage en traîneau.

Dans ses débuts avec les Esquimaux, réputés redoutés des Indiens, le contact est difficile. Pourtant, il persévère. Pendant plusieurs années, il explore le territoire et assure les approvisionnements. Il apprend à connaître ces terres hostiles et leurs habitants nomades.

Pour fonder sa première mission, il choisit Chesterfield Inlet, une région pourvue de gibier mais dénuée d’arbres. Tout le bois nécessaire à la construction
d’une maison doit être emporté par bateau, ainsi que le charbon, les vivres et bien d'autres fournitures. Pourtant, même le capitaine du bateau n’est pas sûr d’arriver jusqu’à Chesterfield et avertit qu’il devra peut-être débarquer Mgr Turquetil ailleurs.

Mission de Chesterfield

Le père Leblanc et le père Turquetil
Le départ a lieu le 24 janvier 1912, avec le Père Leblanc pour compagnon.
Après avoir traversé le fleuve Saint-Laurent et le détroit d’Hudson à bord du « Nascopie », ils arrivent à Chesterfield le 3 septembre.

L’accueil est austère : un paysage rocheux sans végétation, quelques tentes, une vingtaine d’habitants. Conformément à une promesse faite à l'évêque de Bayeux 17 ans plus tôt, Mgr Turquetil donne le nom de Notre-Dame-de-la-Délivrande à cette mission.

Dès septembre, l’urgence est de construire un abri avant l’arrivée du grand froid. Aidés par les matériaux apportés, les missionnaires bâtissent une maison que les Esquimaux appellent le « grand iglou ». Bien qu’admiratifs de cette construction, ces derniers restent méfiants, influencés par un sorcier local, Taleriktak, dont les cris et ricanements marquent les longues nuits de chants païens.

L'année suivante, en juillet, les glaces ne se rompent pas comme espéré : pas de bateau, pas de ravitaillement. La pénurie impose une grande économie de charbon et de vivres. Malgré cela, le Père partage son maigre pain avec les Esquimaux affamés.

Peu à peu, les Esquimaux se mettent à admirer le courage et la générosité du Père, surtout lorsqu’il réussit à chasser un caribou dans des conditions extrêmes. Toutefois, son « apostolat » reste infructueux. Ses traductions de prières et ses sermons en langue locale suscitent davantage de moqueries que d'adhésion.

En 1915, le bateau « Nascopie » apporte des nouvelles alarmantes : deux missionnaires ont été tués par des Esquimaux, et la Première Guerre mondiale fait rage en Europe. Peu après, le Père Leblanc, épuisé et affecté par la mort de deux de ses frères au front, succombe à la maladie en septembre 1916.

Le Supérieur enjoint alors au Père Turquetil de fermer la mission s’il n'obtient aucun signe de conversion dans l’année.

Mais en automne, un miracle se produit. Un Esquimau apporte deux paquets : l’un contient un livre sur sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et l’autre, de la terre prélevée près de son tombeau. Inspiré, le Père Turquetil prie la sainte pour obtenir une conversion.

Le père Turquetil parmi les esquimaux

Peu après, des Esquimaux viennent le voir et disent : « Nous savions que tu disais la vérité, mais nos péchés nous font peur. Pourrais-tu nous en délivrer ? »


Le Père les instruit longuement avant de les baptiser. En juillet 1917, les douze premiers Esquimaux sont baptisés, marquant la naissance d’une petite communauté chrétienne fervente. La mission est sauvée.

Mg Turquetil le jour de son sacre.
En 1924, le Père Turquetil est nommé Préfet Apostolique de la Baie d’Hudson. Il consacre les années suivantes à développer des missions, bâtir un hôpital moderne et guider les 4 200 Esquimaux sous sa juridiction.


En 1932, il devient évêque titulaire de Ptolémaïs. Mgr Turquetil se retire en 1943, laissant une œuvre missionnaire exemplaire.

Ses funérailles, présidées par Mgr Amleto Cicognani, Délégué Apostolique, témoignent de l'immense respect dont jouit cet « homme de fer ».

 

Carte du vicariat de Mg Turquetil

Sources : ouvrage de AG Morice " Monsigneur Turquetil, apôtre des esquimaux" 

Creully sur Seulles - Novembre 1932 - Gabrielle-Yvonne-Madeleine est baptisée à Saint Gabriel.

Dans le journal diocésain, "La semaine catholique" du 6 novembre 1932, un article relatait la cérémonie de bénédiction d’une cloche installée dans le petit béffroi de l'église de Saint-Gabriel.

" La paroisse de Saint-Gabriel possède un célèbre prieuré, fondé au XIe siècle par un seigneur de Creully, en faveur de l’abbaye de Fécamp ; de ce prieuré subsistent encore, outre un magnifique chœur roman du XIe siècle, d’autres constructions un peu plus récentes que leur propriétaire actuel, M. Fauchier-Delavigne, a trans­formé avec infiniment de goût en une belle école d’horti­culture...


Il y a d’autre part, à Saint-Gabriel, une importante minoterie et de nombreuses exploitations agricoles ; la popula­tion s’y est accrue depuis quelques années au point qu’il a fallu construire des maisons nouvelles et dédoubler l’école publique devenue trop petite. Ce n’est donc pas ici « la terre qui meurt », mais bien la terre qui revit, parce qu’elle sait unir au respect des bonnes traditions anciennes le souci de s'adapter aux progrès modernes.

Mais l’une des caractéristiques les plus frappantes de notre paroisse, c’est la bonne entente générale qui y règne. Cette union cordiale, qui fait un des charmes, de Saint-Gabriel, est due pour une part à l’esprit judicieux et avisé de ses habitants qui savent que la discorde et l’intrigue nuisent toujours en fin de compte à ceux qui les ont fomentées. Mais elle provient aussi de ce que tous ici sont, directement ou indirectement, pénétrés de cet esprit de paix, de justice et de fraternité que le Christ est venu enseigner aux hommes,

Procession le jour du baptême de la cloche.

C’est en ces termes que, le 27 octobre1932 , M. André Delacour, conseiller référendaire à la Cour des Comptes et maire de Saint- Gabriel, présentait la commune qu’il a su placer au premier rang du progrès social, à S. Exc. Monseigneur Picaud, venu pour bénir une nouvelle cloche. Et le distingué magistrat municipal, après avoir décrit en une page inspirée du plus pur esprit chré­tien le rôle de la cloche, rappelait comment, le beffroi de la vieille église menaçant ruine, on avait dû interrompre les sonne­ries. La commune l'ayant remis à neuf, on avait alors songé à remplacer l'une des cloches fêlées, dont l’acquisition a pu être faite, grâce à une souscription paroissiale ouverte par « le dévoué, vaillant et distingué pasteur », M. l’abbé Frayard. Et l’orateur, écartant la perspective d’un nouveau tocsin de guerre, souhaitait pour terminer, l’avènement de cette bienheureuse Paix dont le Christ est venu apporter aux hommes la formule infaillible, mais que les hommes rechercheront en vain, tant qu’un trop grand nombre s’obstineront à demeurer sourds aux enseigne­ments de l’Evangile.

Monseigneur Picaud remercia avec ce tact, cette élévation de la pensée et cet art de la parole qui le caractérisent et sont déjà si appréciés dans le diocèse. Puis, l’on se rendit à l’église bientôt remplie d’une foule débordante, aux premiers rangs de laquelle on remarquait M. Engerand, député, et M. le comte d’Oilliamson conseiller général. C’est alors que le Pontife, assisté de M. le vicaire général Lemercère et de M. le chanoine Lefrançois, doyen de Creully, qu’entourait un nombreux clergé, procéda à la bénédiction rituelle de Gabrielle-Yvonne-Madeleine.

Après que M. l’abbé Frayard eut présenté à son évêque ses paroissiens de Saint-Gabriel et dit leurs mérites et la satisfac­tion qu’ils donnent à leur desservant, Monseigneur Picaud, dans un langage élevé et nourri de fortes pensées, exposa le symbolisme de la cloche, tira la leçon de cette belle liturgie et marqua la satisfaction qu’éprouvait son cœur d’Evêque.

La néophyte de bronze qui avait pour parrain M. Robert Delacour, fils du maire de Saint-Gabriel, et pour marraine Mlle Julien fille du maire de Brécy — commune rattachée pour le culte à Saint-Gabriel — ayant reçu l’investiture chrétienne, prit place sans retard dans sa prison aérienne, pour y remplir avec ses compagnes son rôle d'animatrice fidèle de la vie religieuse.

      Après la cérémonie, Mgr Picaud fit dans la paroisse le tour de l’évêque, si nous osons dire, et d’un évêque particulièrement averti de la beauté artistique : il admira le vieux prieuré, félicita M. Fauchier-Delavigne de ses généreuses initiatives, loua M. Delacour de son zèle pour le bien social, marqué par de si beaux résultats, et félicita Saint-Gabriel d’avoir su choisir et garder un maire si distingué et dévoué.

Le souvenir que tous garderont de cette journée vraiment réconfortante en fera l’une des plus belles dates de l'histoire de Saint-Gabriel."

Creully sur Seulles - Années 50... Dans le château on tire les Rois avec les enfants des écoles.

Les enfants des écoles - La dame de gauche servant les enfants, je crois que c'est madame Lefèvre.

La table officielle


Dans les environs de Creully (Creully sur Seulles) - Carcagny - Les chargeurs de charrettes de foin au tribunal.

Sous le ciel orageux de ce soir du 8 juin 1834, le cabaret du sieur Soufflant, à Carcagny, résonnait de rires et de voix animées. Les hommes, accoudés au comptoir, faisaient danser les verres sous la lumière vacillante des lampes. L’air était saturé d’une chaleur estivale et d’un parfum de foin, un rappel subtil de la campagne qui entourait le petit village. La discussion allait bon train, et ce soir-là, le sujet de la conversation n’était rien de moins qu’une question de fierté : qui, parmi eux, possédait le plus grand talent pour charger le foin.


D’un côté, les sieurs Soufflant et Mouillard étaient désignés, presque à l’unanimité, comme les maîtres incontestés de cet art, capables de composer des charrettes dignes des plus grands tableaux paysans. Mais parmi les buveurs, un jeune homme, François Yon, domestique de 21 ans, se redressa, emporté par un élan de bravoure et d’alcool. D’une voix un peu trop assurée, il déclara qu’il n’avait rien à envier aux deux maîtres et qu’il se débrouillerait tout aussi bien qu’eux.

Sa déclaration ne tarda pas à trouver un adversaire en la personne de Mabire Charlemagne, un commis marchand de 26 ans. Grand, au regard acéré, il ne se fit pas prier pour ridiculiser Yon. "T’es trop bête pour ça", lança-t-il, accompagné d’autres mots tranchants comme des lames, destinés à rabaisser l’orgueil du jeune homme.

L’atmosphère du cabaret, autrefois joyeuse, devint tendue. Des éclats de voix, une table renversée, puis le silence s’installa, lourd, tandis que Yon, blessé dans son amour-propre, quittait précipitamment les lieux. Il se dirigea vers sa demeure, l’esprit bouillonnant de rancœur. Mais au détour du cimetière, dans la pénombre, une silhouette se dressa sur son chemin. C’était Mabire, qui avait troqué sa tenue contre un autre habit, plus sombre, presque menaçant.

Sans un mot, Mabire s’avança, le regard noir, et soudain, un mouchoir s’abattit violemment sur la tête de Yon. La douleur fut fulgurante ; un filet de sang s’écoula le long de son visage. Yon comprit immédiatement que l’étoffe renfermait une pierre, un objet sournois. Avant qu’il ne puisse réagir, Mabire le jeta à terre et se mit à lui asséner des coups de pied sans relâche, sur la tête, sur le corps, avec une violence débridée.

Les cris de Yon se répercutèrent dans la nuit, jusqu’à ce que des camarades, alertés par ses hurlements, se précipitent vers lui. Leur arrivée obligea Mabire à fuir, disparaissant dans l’ombre aussi rapidement qu’il était apparu.

Quelques jours plus tard, dans l’enceinte solennelle du tribunal de police correctionnel de Caen, le sort de Mabire fut scellé. Bien que la préméditation fût écartée, il ne put échapper à la condamnation. Quinze jours d’emprisonnement et le paiement des frais, tel fut le verdict rendu, laissant dans son sillage l’écho d’une querelle qui aurait pu rester de simples paroles échangées dans l’effervescence d’une soirée au cabaret.

 

Creully sur Seulles - Le savon de la mère Viel, épicière de Creully.

A Creully, nous habitions rue d'Arromanches, la rue qui descend vers le bas du château; en remontant vers l'église nous allions chez madame Pinchon qui avait pris la suite de madame Viel, sa mère, l'épicière de la rue de Bayeux. 


Creully sur Seulles - Le savon de la mère Viel, épicière de Creully.

 Il y avait chez mes parents un vieux savon acheté chez la "mère Viel" qui n'avait jamais servi. Je l'ai toujours dans ma collection des objets de Creully. Comme nous, il a pris des 'rides".

Flèche rouge : Madame Viel. A sa gauche madame Pinchon.
Merci Monique pour ses photos.

De Paris à Lantheuil (près de Creully) sur la trace de Dominique TURGOT.

 


Faire des recherches dans les documents écrits par nos prédécesseurs me permet de découvrir des faits fascinants sur Creully et ses environs. Cette fois-ci, je vous invite à explorer l'histoire de Dominique Turgot, inhumé dans la petite localité voisine de Creully, en orientant notre regard vers Paris et Lantheuil.


Couvent des Petits-Augustins - Paris


Dans le sol de la chapelle de l’ancien couvent des Petits-Augustins, devenu l'École des Beaux-Arts, au mois de septembre 1877, en creusant une tranchée pour l’établisse­ment d'un calorifère, à peu près à l’endroit où Alexandre Lenoir, avait jadis placé le tombeau du cardinal de Richelieu, des ouvriers rencontrèrent, à un mètre environ de profondeur, un cercueil de plomb présentant, sur une plaque de cuivre.

Ci-dessous, voici l'inscription présente sur cette plaque de cuivre.


CY GIST LE CORPS DE MESSIRE DOMINIQUE TURGOT, CHEVALIER, SEIGNEUR DE SOUBMONS, BONS, SAINT QUENTIN ET AUTRES LIEUX, , CONSEILLER DU ROY EN TOUS SES CONSEILS ET MAISTRE DES REQUESTES ORDINAIRE DE SON HOSTEL, DECEDE EN SA MAISON, A PARIS, LE 14e JOUR DE SEPTEMBRE 1670, AGÉ DE 41 ANS. PRIEZ DIEU POUR SON AME.
Cette plaque est conservée au musée Carlavalet à Paris.

Le marquis Jacques Turgot, avisé de la découverte, a fait transféré le corps de son ancêtre à Lantheuil dans la chapelle du cimetière non loin du  domaine de Lantheuil acquis par Antoine Turgot de Saint-Clair en 1613. La construction du château fut entreprise par son fils Jacques.
La chapelle de la famille Turgot - Cimetière de Lantheuil

L'acte de transfert du corps de Dominique Turgot aux archives de Lantheuil.

La généalogie entre Dominique Turgot et le ministre de Louis XVI.
Le château de Lantheuil.


C'est Noël, le miracle du frère Geoffroy au prieuré de Saint-Gabriel près de Creully.

 Le Miracle de Frère Geoffroy

Nous sommes à la veille des fêtes de la nativité au XIIIe siècle.
Le prieuré de Saint-Gabriel, situé au cœur des plaines normandes, à quelques lieues de Creully, était un lieu de paix et de dévotion. Sa réputation était celle d’un havre d’érudition, mais aussi de foi profonde. Parmi les frères qui y vivaient, nul n'était plus humble que Frère Geoffroy, un moine âgé et aveugle depuis son enfance.
Frère Geoffroy était devenu aveugle après une maladie qui l'avait frappé à l'âge de dix ans. Bien qu'il n'ait jamais vu les murs de pierre ni les vitraux de la chapelle, il les « voyait » à travers les récits des autres moines. Sa cécité n’avait en rien affaibli son esprit ou sa dévotion. Chaque jour, il louait Dieu en récitant les psaumes par cœur et aidait les novices à apprendre les prières.

 Un Appel dans la Nuit

Un soir d'hiver particulièrement glacé, Frère Geoffroy entendit une voix dans ses rêves. Elle semblait venir des profondeurs mêmes de l'église : douce, mais empreinte d’une autorité divine. La voix lui murmura :
« Geoffroy, lève-toi et sort dans le jardin où s’élève la croix de pierre. Approche-toi de la croix et regarde vers le ciel. »
Se réveillant en sursaut, le vieux moine pensa d’abord à une simple rêverie. Mais une étrange chaleur lui emplissait le cœur, et il se leva malgré le froid mordant. Guidé par sa canne et ses pas qu'il connaissait par cœur, il descendit dans le jardin du prieuré.
À son arrivée près de la croix, il tomba à genoux devant elle. Soudain, une pluie s’abattit sur la petite localité de Saint Gabriel, il sentit les gouttes sur ses paupières aveugles. Il leva la tête et, pour la première fois depuis sa maladie, il vit, malgré la pluie des étoiles dans le ciel. Il approcha de ses yeux sa propre main et ses lignes se dessinèrent devant lui et au loin la chapelle du prieuré. Stupéfait, il murmura : « Seigneur, qu’ai-je fait pour mériter ce don ? »
Est-ce vraiment une légende comme le prouve cette trace écrite ?

 Le Témoignage du Miracle

Au matin, les frères furent stupéfaits de voir Frère Geoffroy marcher sans sa canne. Ils s’attroupèrent autour de lui lorsqu’il entra dans la salle du réfectoire, son visage illuminé d’une sérénité inhabituelle. « Je vois », leur annonça-t-il, une larme roulant sur sa joue. « Par la grâce de Dieu et de son ange, ma vue m’a été rendue cette nuit. »

La communauté, touchée par cette révélation, demanda à Frère Geoffroy de raconter son expérience. Certains, émerveillés, se mirent en prière, tandis que d'autres restaient perplexes, tentant de comprendre ce qui avait provoqué un tel événement.
Le prieur considéra ce miracle comme un signe que le prieuré était béni. Il insista pour qu’Geoffroy décrive ce qu’il avait vu lorsque la lumière lui était apparue. Frère Geoffroy répondit humblement : « Ce n’était pas seulement l’église que j’ai vue. C’était comme si toutes les créations divines se manifestaient devant moi : la splendeur des cieux, les champs dorés de blé, et la miséricorde du Seigneur. »
Un jeune jardinier au pied de la croix actuelle.

 Une Vie Transformée

Bien que sa vue lui fût rendue, Frère Geoffroy continua de vivre avec une humilité exemplaire. Il ne se comportait pas comme un homme exceptionnel mais voyait dans ce miracle un rappel du pouvoir de la foi. Les novices venaient souvent à lui pour entendre son récit et apprendre à cultiver leur propre dévotion.
Cependant, certains frères, sceptiques ou jaloux, murmurèrent que Geoffroy n’était peut-être qu’un mystificateur, ou que le miracle n’était qu’une hallucination. À ces doutes, Geoffroy répondait avec douceur : « Peut-être ai-je vu par la grâce de Dieu, mais peu importe que ce soit un miracle ou non. Ce qui compte, c'est que ma foi m’a donné la force de voir au-delà de ma cécité. »

 Le Legs du Miracle

Peu avant sa mort, survenue quelques années après l’événement, Frère Geoffroy confia un dernier message au prieur :
« Le Seigneur m’a rendu la vue, non pour moi, mais pour que chacun ici sache que sa lumière brille toujours, même dans les plus grandes ténèbres. Apprenez cela aux novices, et vous verrez qu’ils porteront cette lumière au-delà de ces murs. »
Frère Geoffroy fut enterré dans le cimetière du prieuré. Sur sa tombe, les moines gravèrent ces mots :
« Il a vu plus qu’aucun de nous, même dans l’obscurité. »
Des pèlerins vinrent au prieuré pendant des décennies pour prier sur sa tombe, certains rapportant des guérisons et des signes divins. Bien que le miracle de Frère Geoffroy restât un mystère, il devint un symbole d’espoir pour tous ceux qui traversaient les épreuves de la cécité.